Adolphe Nysenholc

Adolphe Nysenholc, né à Anderlecht (Bruxelles) le 24 novembre 1938, est un écrivain belge.

Adolphe Nysenholc est né à Bruxelles. Ses parents, Salomon et Léa Frydman, étaient venus de Pologne. Déportés de Malines le 12 septembre 1942 dans le IXe convoi, ils sont morts à Auschwitz. Nés à Gora Kalwarja (Ghèr en yiddish, un haut lieu du hassidisme), ils s’étaient laïcisés. Ils habitaient avenue Clemenceau à Anderlecht au moment de la rafle.

Adolphe Nysenholc avait été placé par eux, peu avant, en août 1942 dans une famille flamande de Ganshoren, commune du nord de Bruxelles. Il y passe la guerre, jusqu’au retour du seul survivant de la famille, un oncle, revenu, lui, de Birkenau. Celui-ci n’avait pas les moyens de l’élever. Il a placé son neveu dans les orphelinats de l’AIVG (l’Aide aux Israélites victimes de la guerre). Adolphe en a connu successivement cinq, le plus souvent des châteaux (à Profondsart, à Auderghem, à Anderlecht (aux « Hirondelles »), à Boitsfort dans la « Villa Miraval » où avait résidé le Premier Ministre du roi Léopold II, Beernaerts, Prix Nobel de la Paix d’avant 14-18, et à Rhodes-St-Genèse au Home « Guy Mansbach »). Selon son mot, il y a connu la « vie de châteaux ».

Il fait son service militaire dans la Force aérienne en 1960-1961. Après une scolarité chaotique, il entre à l’université avec un examen au jury central et est licencié en philologie romane en 1966. Son mémoire de fin d’études porte sur une question de stylistique (La Phrase nominale dans Amers de Saint-John Perse, dirigé par Albert Henry, grand spécialiste de ce poète). Il en extrait un article, qui, grâce à son maître, est publié dans le Français moderne (1969, no 3) à Paris.

Professeur de français à l’Athénée Fernand Blum (à Schaerbeek), où avait été élève et enseignant le cinéaste André Delvaux, en 1975, il dépose une thèse de doctorat sur Charles Chaplin (patronnée par Jacques Pohl), la première thèse sur le cinéma en Belgique et la première sur Chaplin dans le monde.

Adolphe Nysenholc entre à l’Université libre de Bruxelles (ULB) comme professeur en 1980. Ses cours portent sur l’analyse de films et l’esthétique cinématographique à travers des thèmes : les 12 meilleurs films (classement de 1958, lors de l’Exposition universelle à Bruxelles) ; Charles Chaplin et le comique ; André Delvaux et le réalisme magique ; Rêve et cinéma ; la Propagande de guerre à l’écran ; la Shoah dans les films etc.

Il organise à l’ULB des événements qui génèrent des publications : une Semaine du cinéma de Belgique (75 films et un colloque interuniversitaire) en 1983, qui fut un tournant dans la prise de conscience de la valeur des films produits dans ce pays ; puis une Semaine du film autobiographique (1984) ; un colloque à la mémoire de Samy Szlingerbaum ; et un autre, en 2003, à la mémoire d’André Delvaux, dont il était devenu un ami. Entre temps, il a également conçu et réalisé, à Paris, le premier colloque international Charles Chaplin (avec près de 50 intervenants) à la Sorbonne et à la Cinémathèque française, dans le cadre de l’Année européenne du cinéma, avec discours inaugural de Simone Veil et participation de Géraldine Chaplin en 1989.

Ses livres sur le cinéma sont des essais, au sens littéraire du terme. Maurice-Jean Lefebve, dans sa préface à L’âge d’or du comique, salue « un remarquable talent d’écrivain ». André Delvaux, à propos d’autres écrits sur des films, était sensible, comme il le lui disait, à « cette écriture ». Les articles d’Adolphe Nysenholc sont des occasions d’exercice de style.

Parallèlement à ses cours sur le cinéma, il écrit des pièces de théâtre, qui sont primées[réf. nécessaire]. Les Amants de Thèbes, qui propose une interprétation originale du mythe d’Amphitryon, et dont la première version est de 1984, obtient le Prix du texte à Agadir en 2002 ; La Passion du diable, qui est une parodie des Évangiles, et s’apparente à Charles De Coster et à son Thyl Ulenspiegel plus qu’à Ghelderode, obtient le Prix du Public à Valenciennes en 1990 et le Prix littéraire du Parlement de la Communauté française en 1995.

Puis, surgissent des œuvres d’inspiration plus autobiographiques. Kammerspiel, qui met en scène une chambre à faire le vide (tout un symbole), est lauréat des Premières Nocturnes (Botanique, 1989). Elle est proche du théâtre beckettien. Survivre ou la mémoire blanche (Ed. CLUEB, Bologne, 2007), obtient le Prix Musin et est traduit en plusieurs langues (italien, néerlandais, allemand, anglais). Mère de guerre est joué à Cracovie, à Bruxelles, à Sibiu (avec surtitres en roumain), à Jérusalem (avec surtitres en hébreu), présenté en lecture-spectacle à Marseille, Avignon, Bruxelles, Braine-l’Alleud, Poix-St-Hubert, Paris etc.

Quant, à son roman autobiographique, Bubelè l’enfant à l’ombre, commencé en 1980, à la mort de ses sauveurs, il est publié en 2007 chez L’Harmattan. Il s’y opère comme une synthèse de tout ce qu’il a écrit. Il est qualifié passim dans des comptes rendus de « poignant », « déchirant », « attachant », « surtout impressionnant par l’écriture » (Philippe Lejeune). L’auteur dit qu’il ne voulait pas de la distanciation du nouveau roman, ni de l’« écriture blanche » de Georges Perec (W ou le souvenir d’enfance). Il estime que si on veut transmettre la mémoire, il faut toucher la sensibilité de qui lit. Certes, pour éviter la sensiblerie, il pratique une certaine ironie, mais vise néanmoins à émouvoir. Sa thèse sur Chaplin était que le comique pour faire rire exploite les traits d’enfance. De fait, n’osant pas parler de lui-même (toujours malgré lui enfant caché), il parlait de l’enfance d’un autre, et dont l’intérêt ne faisait pas de doute. Mais, comme les témoins de la Shoah commencent à disparaître, il a senti qu’il faisait partie de la génération qui devait prendre le relai.

Sauvé par des Justes, il leur rend hommage par « un beau livre », selon le mot de Philippe Lejeune, Bubelè l’enfant à l’ombre. Il bénéficia d’une résidence d’auteur au Centre national des Écritures du Spectacle à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon (2001).

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