Longue, infiniment longue période de traitements et souffrances confondus où je fais connaissance avec la vie d’hôpital, son vacarme permanent, crissements de charrette dans le couloir et nourriture infecte, remugles et horaires imposés, dignes d’une vie de caserne, cris de patients séniles et grands éclats de rire quand il fait nuit, encore. Et puis ces infirmières qui se succèdent sans cesse, démultiplication des tâches, et puis cet infirmier surgissant dans la chambre au beau milieu de la nuit, lampe vissée sur le front, étrange spéléologue me détaillant comme s’il découvrait le cadavre amené par le flux d’un cours d’eau souterrain, que sa grosse voix d’outre-tombe semble vouloir ressusciter.

Et moi je suis ailleurs, où il ferait meilleur, à échafauder les scénarios de rêves que ma raison profonde mène à leur terme empli de nostalgie. Sommeiller, cauchemarder jusqu’au grand jour où tout s’ébroue et puis impose l’évidence qu’il va falloir remettre ça, vie mécanique, bardée de processus, de protocoles, de règles qui me donnent le vertige, qui me feraient rendre l’âme en cet endroit censé me régénérer…

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Freak out, place au délire !

Le vrai, c’est faux !

Le Fake, c’est chic !

Avec le recul, je ne verse pas une larme sur mes engagements du temps où je me voulais un révolutionnaire et justicier du Net, toujours en chasse des escroqueries et mensonges dont tant de margoulins de la finance, des sentiments et des news sévissent encore. Une époque où je me gargarisais du titre quelque peu sulfureux d’irrégulier, voire d’anarchiste des réseaux sociaux et de la communication en ligne. Avant de laisser tomber ces postures de pirate d’opérette et d’opter pour ce que d’aucuns, me voyant à la tête d’une start-up florissante, ont pu prendre pour de l’embourgeoisement. Lire la suite


Évocation anthume d’un certain D.T.

Éléphant politique dont le sexe et

La trompe gavent un public

Conquis d’avance…

Le Covent Center d’Athens (Georgia) est bondé pour accueillir la vedette du jour : Dumbo Tramp venu tel qu’en lui-même — c’est-à-dire en représentation — et annonçant d’emblée le ton de sa campagne. Lire la suite


Ce matin-là, à mon réveil, on avait fermé la lumière.

J’ai eu beau écarquiller les yeux, rien que le noir en moi et autour de moi. Il m’a cependant fallu du temps pour comprendre que la prédiction médicale dont je devais m‘accommoder depuis plusieurs années s’était réalisée : j’étais devenu aveugle.

Aveugle… Un événement qui m’a tiré des larmes tandis que me parvenaient, par la fenêtre laissée ouverte, les trilles enjoués des oiseaux, depuis le fouillis du jardin en pleine effervescence printanière.

Leurs chants et puis les pas, la voix de Maria qui, s’inquiétant de ne pas me voir debout, venait aux nouvelles. Lire la suite


 

Dans cette pièce froide et à l’ameublement sommaire, perchée au quatrième étage d’une ancienne caserne réquisitionnée pour y loger les migrants, dans mon quartier général proche du centre de Bruxelles, je songe forcément à la guerre, la guerre en ses différents états. Celle qu’on dit civile, pleine de larmes et de sang, et de bombardements, dont je me suis tiré comme on choisit de fuguer, et puis une autre guerre qui ne m’effraie pas : ce long combat à mener contre moi-même, qu’il s’agit de liquider pour renaître en un autre.

Ainsi, dans ce qui pourrait passer pour une chambre d’étudiant et dont il est question de faire mon chez-moi à trente-six ans passés, afin de repartir du bon pied après m’être forgé une personnalité de rechange, j’en suis à contempler mon reflet dans le miroir, en surplomb de l’évier où faire mes ablutions. Lire la suite


Son corps est noir, qui se glisse dans la jungle vert bouteille et son fouillis de plantes grasses maculées de sang après chacune de leurs expéditions, conquêtes, contre-attaques supposées, sur les traces d’adversaires que ses frères d’armes et lui-même, Dieudonné Nyama, auront tôt fait de réduire au silence éternel.

Hommes, femmes, enfants mâles et femelles, tous dans le même sac, tous dans le même trou ou le même charnier livré aux bêtes sauvages. Sans que Dieudonné en éprouve ni pitié ni regrets. Ni même de la joie : c’est dans l’ordre des choses, croit-il, cette violence froide sous le soleil implacable. Ainsi va sa vie avec la mort qui rôde, sachant qu’un jour son tour viendra d’être un de ces cadavres abandonnés même par leurs proches, méconnaissables. Lire la suite


Une vaste étendue de sable et de cailloutis, un désert démangé de soleil où ne se rencontrent que des serpents secs comme du bois, des rongeurs de rien du tout et de vilains crabes terrestres… Oui, le plateau du Mokambo est tout sauf attirant, tout sauf enchanteur. Un théâtre de mort et de désolation parfaitement prédestiné, à présent que j’y pense, à y construire l’usine ultramoderne dont un certain Gregorenko, puisque tel est mon nom, a la redoutable charge : jusqu’à ce que mort s’ensuive, précisément.

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Depuis combien de temps David Gregorenko est-il basé au Complexe Robinson ? Je n’en sais plus trop rien… Au point de croire, parfois, que j’y serais né. Que j’y aurais été produit, à l’image des Toukoms !

Quand rien n’est plus faux : je suis fait de chair et d’os, moi ! Et l’unique humain, même, à végéter ici. Moi, seul maître à bord de cette usine dont les bâtiments d’acier, peints de rouge cru et de bleu vif, et dont les verrières étincelantes semblent participer d’un fulgurant mirage au cœur du désert ! Une hallucination dont moi seul serais le jouet. Puisque personne d’autre n’a pleinement conscience de ce qui s’y passe ! Lire la suite


C’est cela, voyez-vous, qui m’ayant obsédé tant d’années durant, me poursuit aujourd’hui encore : le spectacle attirant, effrayant, hallucinant vraiment de ma nudité très crue. De ce reflet dans le miroir où Ludovic se mire, où je me noie dès que mes yeux s’embuent pour gommer ce sexe masculin qui prolonge mon bas-ventre et que je vois parfois se dresser, pour prendre toute la place dans une image de moi que je préfère, et de loin, ô combien, totalement travestie, rectifiée par mes soins ! Comme quand, adolescent, je me pavanais devant la glace après m’être harnaché d’un soutien-gorge et d’un porte-jarretelles noirs : accessoires maternels que je m’appropriais pour que mon buste pigeonne, ce dont je me rengorgeais, et pour, enfilant des bas nylon qui m’instillaient la chair de poule, que j’imagine ma présence en vitrine, dans toute ma splendeur de fille : à rendre jalouse jusqu’à la plus belle et la plus laide des femmes !

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Le paradoxe étant que des érections grandioses me prenaient par surprise au plus fort du bonheur de me sentir si désirable en lingerie féminine… Lire la suite


Avec cette nouvelle règle qui veut que seul un authentique docteur humain soit habilité à délivrer des justificatifs d’absence pour maladie, c’est la galère totale. Un règlement discriminatoire, qui pue la suspicion ! Tant envers les réplicants ordinaires qu’à l’égard des médecins cybernétiques : comme si, en tant que produits de la haute technologie, ceux-ci seraient soudain de mèche avec les êtres mixtes en situation de détresse !

Moi qui n’ai pourtant rien d’un frimeur, rien d’un affabulateur… Moi qui suis, j’vous jure et vous l’assure, à peu près bon pour la décharge publique, dans l’état où j’me trouve ! La gorge comme découpée à vif, la tête en surchauffe et les jambes en compote ! Vous dire si j’le mérite et si je l’veux, mon certificat de sept jours ! Lire la suite


Puisqu’il est de notoriété publique que des signaux dits forts et des démonstrations métaphoriques tiennent lieu de langage à la diplomatie, ce n’est pas pur hasard si Nikola avait rejoint Bruocsella en tête d’une cohorte d’Audi A8 blindées, alors que, de son côté, c’est en Airbus FSX qu’Angelika et son équipe pluridisciplinaire gagnaient la capitale de la Nouvelle Europe pour ce qui s’annonçait comme un des Sommets du siècle. Ainsi les deux chefs d’État qui depuis peu paraissaient décider à eux seuls — chiffres des PNB obligent — du sort des Vingt-Sept, renforçaient-ils aux yeux des médias leur franche complicité en choisissant chacun, pour mode de déplacement, un des fleurons industriels de l’autre. Lire la suite