« Il vieillit », disait invariablement ma mère quand nous quittions la résidence où mon père, son époux, l’éminent chef d’orchestre de nos vies et de quelques-unes des plus belles salles de concerts avait été interné. Mon père, son époux, le chef d’orchestre, ou du moins ce qu’il en restait, vieillissait, oui… Et à mesure que l’âge marquait ses gestes alourdis, l’âge, toujours lui, allégeait son esprit. Savait-il encore qui nous étions, où il était, qui elle était ? Lire la suite


Il avait dix ans quand une once de chance et quelques années passées à s’observer d’un peu trop près l’avaient amené à faire cet étonnant et prodigieux constat sur lui-même : il avait, à la manière des superhéros, un talent bien à lui. Un truc bizarre, entre le réel et l’irréel. Un don, une capacité, un pouvoir… magique ou mondain. Qui l’emmènerait loin sur le chemin du succès.

À quatorze ans, alors qu’il entrait flottant dans l’adolescence, il savait déjà. Son sourire d’enfant sage. Son visage poupin. L’innocence même, oui. Sans doute aucun. Mesurait sa capacité à plaire, la jaugeait, l’évaluait, forçait ses contours, éprouvait sa résistance, ses limites, ses potentialités. Et comme il était d’un naturel rêveur, il se prenait à concevoir tout ce que son merveilleux pouvoir pourrait lui apporter. Plus tard, quand il serait grand. Ou juste plus tard. Lire la suite



« Ce sera mieux demain ». Il m’avait dit cela. Il le disait souvent. « Tu verras, ma puce, ce sera mieux demain ». Et il ajoutait « encore ». « Ce sera encore mieux demain ». J’avais sept ans. C’était mon grand-père. Pour mon accession à la sagesse, sept ans, un passage obligatoire, il m’avait invitée au restaurant. Moi. Toute seule. Il aimait faire ce genre de choses, mon grand-père. Il était né à Marchienne. Docherie. Sa mère, qui allait être centenaire, était trieuse. Juste à la sortie de la mine. Sur des tapis qui vomissaient leur charbon. Elle triait, noiraude. Puis, il y avait eu la guerre. Lire la suite