À minuit précise, il alla consulter le thermomètre dehors. Il était accroché à un arbre dans un petit abri pour oiseau, afin de le protéger contre le vent. Tandis que les premières fusées grimpaient en sifflant vers le ciel et explosaient par-dessus le paysage gelé, il étudiait le thermomètre à la lumière d’une lampe de poche. Il nota la température dans un petit agenda et constata avec satisfaction que son observation recoupait les prévisions météorologiques du journal radio de vingt heures. Il attendit un moment encore jusqu’à ce que la pluie d’étincelles se soit dissipée et que le bruit des explosions soit éteint, et rentra. Lire la suite


Chacun était prêt depuis longtemps à prendre un sommet d’assaut : il suffisait de choisir le plus haut. Lorsqu’une nouvelle secousse sismique ébranla la planète, les habitants bouleversés découvrirent enfin une montagne digne d’être escaladée.

Au pied de la paroi apparurent les premiers aventuriers, les uns à dos d’éléphant, les autres sur des chameaux ou des rennes, puis, lorsque les chemins furent aplanis, arrivèrent les cyclistes, suivis des automobilistes. Les arrivants installaient leurs colonies et leurs campements. Quelqu’un trouva un silex ; ils en tirèrent des étincelles, allumèrent un feu et firent cuire les éléphants, les chameaux et les rennes. Les propriétaires de vélos et de voitures, qui devaient se contenter de conserves, observaient avec envie le festin de ces bienheureux. Lire la suite


La petite maison est très différente de celle où elle a passé une si grande partie de son enfance. Il n’y a pas de roses, pas de cabane de jeu, pas de fauteuil de jardin à l’ombre d’un pin. Il n’y a pas non plus la mer, ni de plage avec des coquillages et des algues apportées par les vagues, ni d’enclos dans lequel un cheval brun puisse paître. La maison de Thérèse est située légèrement à l’intérieur d’un bois de sapins. Dans le jardin ne pousse rien d’autre que de la menthe et de la ciboulette. Et les meubles de jardin blancs dont elle a fait l’acquisition en même temps que de la maison sont maintenant pourris. Lire la suite



L’Airbus se reflète tout entier sur le sol tatoué aux couleurs de l’arc-en-ciel. Les nuages se jouent de la carlingue, ils se donnent l’allure insoucieuse de la mouette. Puis ils filent, à la verticale de la Baltique : au bord de mer, les prés et les parcelles se détachent nettement, on pense à ces panoplies de bois sur lesquelles les enfants ajustent des figurines, en choisissant les alvéoles appropriées. Plaisir de l’apparentement réussi. Au-dessus du Sund, les nuages reviennent au galop. Lire la suite



J’ai eu plusieurs maisons dans ma vie ; je veux parler de celles dont on se souvient, qui vous ont laissé dans les tripes, au cœur ou dans l’âme quelque chose d’inoubliable. Celles qu’on a aimées doucement, passionnément ou qui vous ont empli, à une certaine époque, d’un indicible malaise. Maisons sages, maisons folles, maisons voluptueuses ; enfers, grâces ou refuges, selon les événements ou les êtres qu’on y a rencontrés… Je suis un escargot : j’ai besoin de me retirer dans ma coquille, après avoir déambulé dans le monde. Je dois rentrer en moi-même, reprendre les mesures de mes distances intérieures, j’ai un besoin presque quotidien de solitude et de silence, de lectures et de rêveries. Je suis ainsi, rien ni personne ne me changera. À cause de cette propension à l’isolement, les quatre murs qui m’entourent ont toujours exercé sur moi une forte influence. Ils m’ont protégé, m’ont sauvé dans des moments de désarroi ; une seule fois, ils ont failli me détruire, m’anéantir. Oui, je suis devenu presque fou entre ces horribles murs qui semblaient doués d’un pouvoir étrange, dans cette maison et ce jardin qui voulaient ma mort, où la mort rôdait de façon palpable, s’insinuait dans mon esprit et dans mes os. Lire la suite



Stagiaire ignare, minette manipulée ou midinette qui veut se faire mousser, cantonnée dans l’emploi subalterne et pistonné d’accorte soubrette, de nymphette béate, de niaise nénette ou Cendrillon comme on disait autrefois, Monica Lewinsky restera moins dans l’Histoire pour son nom que pour son rôle (sans voix) d’égérie mutine, qui ébranla un temps la Maison Blanche après avoir, au sens propre, branlé son hôte. Fille de parents divorcés, plutôt nature, émancipée, pulpeuse et bien roulée, trop confiante et sans doute assez ingénue, cette jeune femme cyclothymique de vingt-cinq ans est d’abord une bouche HILARE, couvrant publiquement de bécots son prince charmant, dardant à tour de bras ses mimiques de coquette en herbe, repassées en boucles (noires, comme ses cheveux), à satiété, par les télés du monde entier. Culottée au sens premier, parée de son béret, bardée d’une broche de pacotille, elle est à jamais celle qui souilla la robe de Blanche-Neige, princesse de fable, souillon de la Reine ou Première Dame, qui par malheur perd sa mère et arbore une parure maculée non par une tache de sang seyant aux jeunes filles, mais une trace de sperme tel qu’il sied à une tailleuse aguerrie, parente de l’ouvrière couturière, second hand ou « petite main », rouage ou levier de la machine broyeuse qui crée des engrenages. Lire la suite


Extrait retrouvé du rapport Starr

Monsieur le Juge, Monica projette de me manger. Son amour a les dents longues et sa bouche s’écarte à mon passage, comme pour la fellation. Je suis l’objet de sa faim après avoir été celui de son désir. C’est dans le désordre des choses. Lorsqu’elle me voit dans la salle ovale, elle domine à peine sa salive. Ma chair doit avoir bon goût, selon elle, grâce à d’anciens tourments et à une habitude des caresses égoïstes. Je la remercie pour son compliment, mais dois-je pour autant me laisser dévorer sans autre forme de procès ? Certains soirs, je la provoque au téléphone pour montrer la menace de mes représailles. Lire la suite