Martial approcha l’index de la paroi et l’effleura. Les algues remuaient mollement, portées par de légers remous. Le garçon pianota des ongles. C’était le signal. Frémissants, les guppys mâles s’agglutinèrent contre la vitre en remuant la queue. Leurs yeux minuscules semblaient fixer Martial. Leurs nageoires orange et turquoise brillaient dans l’eau claire. Les guppys filèrent vers la surface. Les femelles vinrent ensuite, plus lentes, de couleur terne, accompagnées par quelques platys, danios rayés et poissons-haches. Plusieurs femelles guppys avaient un ventre énorme. Dans un coin de l’aquarium, les deux télescopes aux longs voiles nageottaient, collés l’un à l’autre comme des siamois. Des laveurs de vitre noirs sinuaient entre les plantes, à quelques centimètres du fond de graviers. Un poisson-hache fit un bond de plusieurs centimètres au-dessus de la surface. Lire la suite



Personnage : L’auteur, une femme.

Décor : peu importe, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, sur un banc, devant une table ou dans un lit, mais L’auteur prépare une pièce.

L’auteur

(avec toutes les hésitations, les plages de repos, les fébrilités d’une dramaturge au travail. Elle n’écrit pas sa pièce, elle l’imagine. Elle ne restera pas toujours assise, ni couchée, ira, viendra, se versera à boire, etc. Au début, elle parle au téléphone.)

(au téléphone)

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[…]

 

Enchantons en chantant la chanson, Nana Lorna Sumatra, les charmes rebelles de la plus belle traqueuse d’alphabets d’ici à nulle part, charmons la chanson de Nana tricheuse de mort sur les quais de gares et de ports de là-bas pour ici comme s’efface l’enfant gris et c’est la flamme Lorna qui prie.

 

Priez pour moi, Nana,

Et pour la guerre, Nana,

Pour la mort de la guerre qui est en moi,

Et pour la paix qui n’existait pas,

Nana, Nana Sumatra,

Priez fort pour la douceur de moi dans vos bras. Lire la suite


Aurèle appréhendait le retour. Le lendemain de l’enterrement de sa femme Luisa, sans réfléchir, il avait pris le premier avion pour Rio. Juste après la guerre, jeune avocat, il avait été engagé par la Brazilian Light qui, à l’époque, était une entreprise canadienne. Au cours des deux années qu’il passa à Rio, il y avait constitué un réseau d’amis, de compagnons de travail, de plage et de vacances. C’est là qu’il avait connu Luisa. Dès le premier jour, ce fut le grand amour. Fiancée à un Brésilien qui, à l’approche du mariage, manifestait des hésitations, elle le renvoya à ses jeux le lendemain de sa rencontre avec Aurèle, lui apprenant, par une lettre succincte, qu’elle était amoureuse. Passion qu’elle avait envie de crier sur les toits, d’autant plus qu’Aurèle la partageait. Celui-ci décida de l’épouser avant même de prévenir ses parents. Lire la suite


Le troisième millénaire est un texte. De même, prophétisés ou ébauchés par l’impatience fabulatrice, les siècles qui lui succéderont. Et pas seulement un texte, mais aussi une période de l’histoire relevant de l’imagerie. Quand j’étais écolier, état que je jugeais traumatisant, l’an 2000 était synonyme de futur. C’était le seuil à franchir pour atteindre ce temps-là que ne restreint aucune limite chronologique. Y crépitaient les escarmouches de Flash Gordon et des milices de l’empereur Ming ; y menaçaient de leurs faisceaux annihilateurs, mis au point par H. G. Wells, les envahisseurs venus de la planète rouge ; vous y relançaient les évadés de l’an 4000 du négligé Jacques Spitz ; vous incitaient à des rêveries éclatées les illustrateurs de Jules Verne, et Jules Verne lui-même qui vous bouclait dans un cocon de métal destiné à notre satellite. Mais le plus déconcertant voyageur de l’espace, n’était-ce point, se déplaçant grâce à son corps astral, ce terrestre conquérant de Mars dont le père, Edgar Rice Burroughs, avait également Tarzan pour rejeton ? Rappelons qu’en ces années 30, alors que le nazisme lézardait l’Europe, le fabricant de jouets Märklin lançait les vaisseaux spatiaux de Buck Rogers, accroissant ainsi notre imaginaire spatial. Donc, excepté le texte, l’image et l’objet – rien, si ce n’est l’horizon tout proche de notre aujourd’hui. Lire la suite


Heinrich Einman voyait dans l’acte sexuel un moment de plaisir qu’il cultivait avec raffinement et délectation. en esthète éclairé, et qui ne devait pas avoir de fonction reproductrice. Il suffisait que sa conquête du moment évoque la possibilité de faire un enfant (il avait cette expression en horreur), pour qu’il la congédiât sans autre forme de procès. Certes, il agissait avec sa naturelle distinction et s’arrangeait pour mettre la séparation sous le coup d’un prétexte: incompatibilité d’humeur, sensiblerie féminine exacerbée, distraction rédhibitoire… Les motifs ne manquaient pas et souvent la femme – sa victime – décidait elle-même d’aller voir ailleurs. Il se souvint d’une Amstellodamoise qui n’avait pu affronter le silence buté dans lequel il s’était enfermé plusieurs jours d’affilée parce qu’elle avait refusé de l’accompagner à la réception donnée par un de ses amis. Lire la suite


La Terre, la toute belle aux seins épanouis, Se leva, elle qui est la base génébranlable De toutes choses. Et la blonde Terre mit d’abord au monde

Le Ciel étoilé, son égal. Afin qu ’il la recouvrit de tous côtés et devînt La demeure des dieux immortels. Hésiode, Les travaux et les jours

Mets-toi dans ta petite tête que les allumettes sont plus dangereuses que les allumeuses.

Spike Bristoll, Hurrah !

 

— Tu trouves pas que la lumière baisse ?

— Là oui, sûr, on ne pouvait guère ouïr qu’oui.

— Sûr qu’elle bébaisse, dit Jacoult (Stéphane). Une lumière de lanterne.

— De lanterne sourde, oui-oui, grogna Rachis. De lanterne pour chauves-souris, coui-coui.

— Tu m’emmerdes, et Jacoult soupira. Coui-coui, dingue. Lire la suite


Pour André

 

Je ne puis pas en vouloir à ces enfants goguenards qui régulièrement s’attroupent en demi-cercle à quelques mètres de la statue vivante que je suis pour eux et dont ils attendent ne fût-ce qu’un frémissement, un hoquet, un signe imperceptible qui ne leur serait même pas adressé, mais qui leur permettrait d’espérer davantage : un blocage de nerf ou carrément une crampe, un clin d’œil, un retroussement de narine, une quelconque mimique. Ils sont là, devant moi, constamment à l’affût d’un insecte qui viendrait me démanger, me piquer la carotide ou me bourrer l’oreille. Lire la suite


Puisque le siècle qui commence sera spirituel ou ne sera pas, il est temps que nous nous interrogions, à la manière agnostique de l’indien Achille Chavée, sur la personnalité bien cachée de Dieu en personne.

Nom : Dieu

Prénom : (voir calendrier)

Profession : créateur d’univers

État civil : célibataire endurci

Nombre d’enfants à charge : 1 (décédé)

Signe particulier : néant Lire la suite