L’enseigne se balance mollement dans la brise nocturne et le murmure discret des palmes froissées lui fait écho. L’inscription, peinte à la main, semble vouloir se défiler dans une oscillation continue. Quelques fractions de seconde suffisent pourtant pour que le nom du restaurant se détache, dans un faisceau de lumière. Une silhouette longiligne, vague réminiscence de l’homme en marche, saisi dans la fragile verticalité de son pas en suspens, se fond dans l’ombre que jette le mur sur le terrain. Lance à la main, le gardien masaï veille sur son troupeau de carcasses, stoppées net. Il fait les cent pas, silencieux et patient, peut‑être secrètement aux aguets. Loin, bien loin pourtant, des espaces hantés par la menace du prédateur.
Les carnivores sont à l’intérieur, de l’autre côté de l’enceinte. Civilisés : en tenue décontractée mais élégante, ils mangent avec des couverts et laissent couler sur leurs conversations des airs sirupeux joués à l’envi par un orchestre que personne n’écoute, planté sur une estrade. « Ici, on ne passe pas de musique locale, ça ferait un peu populo », crache le délégué permanent dans un rire gras à une jeune attachée qui a tendu l’oreille, et s’enquiert de l’origine des jazzmen. Lire la suite →