Jacques De Decker

1945
Le 19 août, six jours après Hiroshima, naissance à Bruxelles, place des Barricades, puis enfance rue de l’Est à Schaerbeek, dans la maison parentale dont la pièce principale est le vaste atelier d’artiste-peintre du père.
Première école : la section gardienne de l’Institut du Sacré-Cœur, rue de la Ruche. Impression durable laissée par sœur Gondulva, qui conte les évangiles à des enfants qui ne savent ni lire ni écrire. En 1948 naît le frère unique, Armand, et qui le restera, dans tous les sens du terme.

1951 à 1957
Etudes primaires, apprentissage de la lecture dans Babar, puis dans les magazines de bande dessinée, où les chefs-œuvre ( La Marque jaune, Jerry Spring, l’Affaire Tournesol) s’égrènent à la petite semaine. Bricole un premier journal, Rataplan, où il publie l’interview imaginaire de Fangio. Le journal Tintin édite deux poèmes signés Jacques D., le « Soir pour enfants » en sélectionne d’autres : c’est le début d’une collaboration au quotidien de la rue Royale qui, à l’heure où nous écrivons, se solde par quelques milliers de papiers. Se passionne pour les aventures de Bob Morane, qu’il plagie dans de petits romans.

1957 à 1963
Etudes secondaires à l’Athénée de Schaerbeek. Quelques professeurs marquants : Joe Delahaut, qui l’encourage à dessiner, Frans François, qui lui fait lire Valéry, Roger Marlé, l’angliciste, Paul Delsemme, qui révèle Ionesco et dirigera un travail de fin d’humanités sur Ghelderode, Séra De Vriendt, qui l’orientera vers les études de germaniste, André Delvaux, qui anime le ciné-club où il projette, un soir mémorable, la Partie de campagne de Renoir, Raymond Rifflet, l’historien dont une conférence sur l’existentialisme sera comme un chemin de Damas inversé. Des ainés : Frédéric Baal, Boris Lehman, Robert Lombaerts. Des camarades : Philippe Schoenfeld, Jean-Pierre De Handschutter, Alain Berenboom, Albert-André Lheureux et Michel Redlich avec lesquels il monte en rhétorique Le ménage de Caroline de Ghelderode. Il y joue Pierrot, Lheureux Arlequin, et Véronique De Keyser Colombine : ce spectacle sera à la base de la création, en octobre 63, du Théâtre de l’Esprit Frappeur, qui doit son nom à un canular organisé à l’Athénée qui aura été le lieu de l’initiation essentielle de tout.

1963 à 1967
A l’ULB, licence en philologie germanique. Etudes largement distraites par les activités de l’Esprit Frappeur (il y joue quatre-vingt fois Monsieur Martin dans la Cantatrice chauve) , une boulimie de lectures souvent conseillée par Henri Ronse, des velléités d’écriture (l’analyse littéraire intimide plus qu’elle ne stimule) mais éclairées par deux maîtres déterminants : Henri Plard, professeur de littérature allemande, et Jean Weisgerber, en littérature néerlandaise, qui patronnera un mémoire sur le théâtre de Hugo Claus, rencontré furtivement en 1966 pendant une Nuit de la Poésie.

1968
Service militaire. En mai, à la faveur de quelques weekends de permissions, assiste en touriste aux assemblées libres de l’ULB. Rencontre Pierre Mertens, qui est sur le point de publier l’Inde ou l’Amérique, et Jacques Crickillon, dont il envoie les poèmes à Albert Ayguesparse, directeur de la revue Marginales où il a coordonné un numéro spécial sur Ghelderode, toujours. Quitte la rue de l’Est, et s’installe avec Isabelle Fronsée, germaniste elle aussi, square Valère-Gille à Ixelles.

1969
Premier emploi : assistant à l’Ecole d’Interprètes internationaux de Mons, où il enseigne la langue, la culture et la littérature néerlandaises. Avant de prendre le train pour Mons, où il fait la connaissance de Claire Lejeune, prépare le matin, avec Monique Dorsel, le spectacle Molly Bloom d’après Joyce, que le Théâtre Poème reprendra pendant une dizaine d’années. Avec Isabelle, rédige ses premières adaptations, pour l’Esprit Frappeur, puis le Rideau de Bruxelles.

1971 à 1973
Jean Tordeur, dont il était en train de traduire des poèmes en anglais, lui propose d’être critique littéraire au Soir. Accepte, se dit qu’on ne tardera pas à constater son incompétence, ignore que se sera son activité la plus constante pour des décennies à venir. A la vielle de la naissance, d’Irina, sa fille, emménage dans une maison au milieu d’un jardin à Limelette. Conserve un pied-à-terre à Bruxelles. Traduit de plus en plus de théâtre, dont le feuilleton théâtral de Lodewijk de Boer « La Famille » pour le théâtre de Poche, en collaboration avec Jean Sigrid. Sa petite famille à lui se sépare.

1974 à 1976
Se terre, solitaire, dans son pied-à-terre. Voyage en Amérique. Suit avec passion l’émergence du jeune théâtre : dramaturgies pour Patrick Roegiers, adaptations pour Philippe Sireuil et Martine Wijckaert. Devient membre de la première Commission consultative du Jeune Théâtre au Ministère. Ecrit deux films d’après Maud Frère avec Jean-Pierre Berckmans. Prend quelques décisions majeures : apprend enfin à conduire , acquiert un appartement au dernier étage d’un immeuble rue de la Tulipe à Ixelles, et écrit sa première pièce, suite à un défit de Claude Etienne, Petit Matin, qu’il met en scène lui-même.

1977 à 1982
Rencontre Thilde Barboni, étudiante à Mons. Douze ans d’hyperactivité s’ensuivront, avec pour port d’attache un appartement rue du Luxembourg. Thilde écrit, après la révélation que fut L’Exil du Centaure, roman sur roman. Lui multiplie les traductions et les adaptations (pour Jean Nergal au Parc, Jacques Huisman au Théâtre National), les articles aussi (il entre comme journaliste à plein temps au Soir, à la demande du nouveau rédacteur en chef, Yvon Toussaint, en 1979), écrit d’autres pièces.
Participation active à Europalia Belgique. Ce sont les années d’amitié avec René Kalisky, qui meurt en 81. Rédaction des premiers chapitres de La Grande Roue, interrompue par la mort du père.

1983 à 1989
Années très absorbées par le journalisme. Assiste Jean Tordeur, puis lui succède à la tête du service culturel du Soir, ce qui implique aussi le secrétariat du prix Rossel. Continue pour autant à faire de la radio, de la télévision (Ecritures, à la RTBF, avec Jean-Marie Mersch), a enseigné (l’Histoire du théâtre et du cinéma au Conservatoire de Bruxelles). Achève La Grande Roue qui parait en 85, traduit les premières pièces de Botho Strauss, découvre le Québec et se lie d’amitié à Montréal, avec Marie Laberge.
Turbulences au Soir avec l’entrée d’Hersant dans le capital, les divergences à la direction, le départ d’Yvon Toussaint. Tentation de se consacrer d’avantage à l’écriture personnel. Elu président du Comité Belge de la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques.

1990 à 1993
Publication simultanée Parades amoureuses et des Années critiques. Rénove une maison rue Chapelier à Ixelles, et y élit domicile. Démissionne comme chef de service, puis comme rédacteur au Soir mais poursuit sa collaboration au journal. Le 12 décembre 92, lendemain de la mort de son amie Suzanne Lilar, épouse Claudia Ritter, journaliste allemande, à l’Eglise protestante de la place du Musée. Obtient le prix Félix Denayer de l’Académie. Travaille à un scénario d’après Un Mâle, de Lemonnier, et à un nouveau roman Le Ventre de la baleine.

1994 à 1997
Poursuivant une abondante activité dramaturgique jalonnée de multiples adaptations et de textes originaux (« Fitness » notamment) et une production journalistique très absorbante, il est victime, le 5 décembre 1994, d’un accident cardiaque qui le force à une période de repos d’un trimestre, et à une convalescence qui l’aidera à choisir des priorités. Il met la dernière main au « Ventre de la baleine », qui est aussitôt traduit en diverses langues (néerlandais, espagnol, roumain etc…), et rassemble une sélection de ses rencontres littéraires sous le titre « En lisant, en écoutant ». Fin 1997, il est élu à l’Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique à la succession d’Albert Ayguesparse.

1998 à 2005
Il relance « Marginales » , la revue fondée par son prédécesseur à l’Académie, qui paraît au rythme trimestriel jusqu’à ce jour. En 2002, il est élu secrétaire perpétuel de l’Académie, fonction qui le mobilisera de plus en plus et lui fera prendre ses distances avec le journalisme et dans une certaine mesure avec le théâtre, dont il cesse d’enseigner l’histoire au Conservatoire de Bruxelles. Sa pièce « Le Magnolia », créée au Théâtre du Parc à Bruxelles, est reprise au Théâtre national de Riga (Lettonie) et à l’Hébertot à Paris, et traduite en une demi-douzaine de langues.

2005 à 2010
Gérard de Cortanze l’invite à contribuer au lancement de la collection Folio-Biographies qu’il anime aux éditions Gallimard. Il y publie d’abord un « Ibsen » (traduit en grec) , puis un « Wagner » qui paraîtra aussi en Pologne et en Argentine. Il rassemble ses récits et nouvelles dans le recueil « Modèles réduits ». Il entreprend une troisième biographie, consacrée cette fois à Rubens. En 2006 est créé au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles l’opéra « Frühlings Erwachen », dont il écrit le livret pour le compositeur Benoît Mernier. Le spectacle est repris la saison suivante à l’Opéra du Rhin à Strasbourg.

Site : www.jacquesdedecker.com


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