C’est mon migrant. Il a la tête sur l’oreiller à côté du mien et me dévisage intensément de ses grands yeux ombrageux, farouches, un peu hostiles, et tellement excitants. Ses boucles en désordre, luisantes comme une fourrure, se répandent sur la percale empesée de la taie d’oreiller. Son corps brun et nu est sous le drap, pudiquement, à deux doigts du mien.

— Il faut, Madame, que je m’intègre, m’a-t-il suppliée tout à l’heure, d’une voix rauque et épuisée, en se laissant tomber sur mon lit. Veuillez, je vous prie, me secourir.

Je ne comprenais pas tout, je l’avoue, malgré mon sens inné des langues, mais c’est à peu près, j’en suis sûre, ce qu’il désirait me signifier en se glissant entre mes draps.

Je ne comprenais pas tout et, d’ailleurs, certains mots, je n’oserais les traduire.

Mon migrant est donc là sous ma couette, bientôt collé à moi, passablement humide et salé, comme quelqu’un qui a passé des jours et des nuits au milieu de la mer Égée. Mon migrant est là. Il me demande asile. Me voici face à mon devoir de citoyenne.

En ce moment, d’ailleurs, mon migrant migre vers l’autre moitié du lit, où je suis prête à l’accueillir. Son corps dégage, j’en ai peur, une chaleur passionnante. Sa peau veloutée, aux saveurs de sel, annonce d’exquis frémissements, des caresses sublimes, d’inédites voluptés. Et dans ses yeux miroitent des promesses de feu.

Je ne suis pas peu fière d’avoir obtenu dès la première entrevue d’aussi excellents résultats, une intégration aussi manifeste.

Dire qu’il va m’en arriver des milliers comme celui-ci !

Partager