Pourquoi Isa ?
Car, à la voir, j’intuitionnai la nuit d’opium, un pont d’absolu, connaissant un fracas sans nom, butant sur son corps sculptural. Tout fut sans hasard aucun. Sa voix frôlant l’aria soprano m’annonçait un visa pour la salsa du nu. Talons balançant dans l’air austral, irradiant un pur saphir du plaisir, Isa braqua ma narration, mon joyau, signa l’apparition du vrai. Son aura, son corps parfait, foudroyant, son parfum subtil coulant au finish, son cri kaki qui ricocha sur moi : tout indiquait mon sud, mon infini azur. Isa parut, jaguar sur moi bondissant, chuchotant « vingt ans d’amour pur, promis ». Moi qui captai son cristal vif, aigu, son tsunami qui charma mon la, moi qui pour Isa conçus mon oblation à l’optatif, lui soufflai « toi-moi pour un trip navigation jusqu’aux paradis à gogo, au fil d’un grand art marin. Tous nos sous-bois jouiront, hors Chronos, dans l’Orion natal ». Mais Isa n’avait pas lu Char.
Isa surgit un jour dans ma nuit, vrai puma noir sans trash ni toc. Quand j’ai vu son cou au logo original, son tango qui ondula pour moi, j’ai connu un vrai rapt. Lui psalmodiant « Isa mon do mi fa sol la si, mon sort, ma paix, mon chat-couguar, mon point cardinal, plus qu’un flash, la convocation qui m’abasourdit », j’ai su, ab initio, qu’Isa signifiait la fascination in vivo. Pour nous, l’amour dansait à l’horizon, vibrant lasso.
J’aimai illico son nom vital, sa mission, sa conviction, son cou, son ondulation, son minois virginal, son vol astral, son chant surtout. Sans un soupçon, j’ai vu l’union ultra chic scintillant — Isa, moi da capo dans l’habitat invasion d’amour. Ma fixation sur ma star jaillirait jusqu’à la fusion, jusqu’au magma tropical.
At first vision, un putsch m’assaillit : Isa lâchait un milliard d’iotas divins, abordant sambas rubato autour du noyau « toi-moi ». J’adorai la variation Chopin-Paganini qu’Isa improvisa, la toccata J.S. Bach qu’Isa concocta pour assainir mon inclination au lacrymal mais subodorai aussi oscillations, convulsions, grand frou-frou quand un « il », un Casanova apparaissait, car la vision d’un phallus, d’un humus masculin, à l’instar d’un papa brigand doux ou d’un fakir garantissant un hors mort, la chavirait. Honni soit qui mal banda…
Isa ouvrit mon corps au plaisir, triomphant dans son oratorio militant, dans son chuchotis du sang. Moi qui goûtai son galop clair-obscur quand l’amour surgit, moi qui bus sa chair, la balayant d’idyllico-bisous au whisky noir, vibrais à l’infini. Isa signa son kidnapping d’amour, banda l’arc du plaisir tous azimuts, montra dans sa maison son art pictural : un flot d’auto-portraits full scotch noir. Dans un taxi gris souris nous conduisant à un loft, j’lui roulai alors un patin, touchai son lapis-lazuli astral saoul d’amour. La nuit montait au son d’un luth qu’actionnait un grand paon, caracolant sur nos plaisirs.
Isa, mon intuition, ma soprano, ma diva first prix d’imagination, m’offrit l’invitation au paradis. Isa m’intriguait toujours par son grand art diagonal à tout. Pour jouir full vibrations, nous convolions dans nos alpha sans gamma ni omicron. Qu’il soit midi ou minuit, nous nous visitions, sucions nos chakras : tout swinguait mi-acacia, mi-mimosa ; pour nous, l’instant dansait, sans complot ni apparatchik. Parfois, j’lui disais « j’suis ton talisman, ton gris-gris pour la paix hors contrition, hors assassinat, hors accusation ; promis, si l’on sort l’or du puits, alors il y aura un athanor blanc ; j’voudrais pas d’organisation aux pulsions mais l’instinct sans tocsin ». Isa riait alors, rougissait parfois. Mon amour naquit quand Isa surgit, captivant mon corps, m’apportant la signification du vital, l’initiation au vrai, l’irruption du pur, du franc, du lascif, du compact, du jouissif. J’ai suivi son aura à la Casanova, son pari capital car Isa comblait mon souhait auroral, frissons garantis.
Trois jours plus tard, j’la vis sur un transat au bord d’un bassin, swimming pool pour rupins, dans sa main un bouquin La Disparition. J’lui murmurai « charmant ton bikini », la couvris d’un gloria labial. Isa sourit, Martini à la main, ondula sur mon corps, cils alourdis sous coulis du mascara. D’un coup, j’arrachai son string astrakan.
Nous gagnions la maison bordant la swimming pool quand un air gitan fort chatoyant nous grisa. Isa m’apporta un plaisir inconnu aux jours d’avant, un luxuriant impact, un cordon ombilical initial, car nous roulions appassionato dans l’illumination, blanc sur noir, noir sur blanc, sur un lit aux falbalas garnis d’cuir, sans galimatias grammatical, nous scrutant dans trois miroirs au plafond. Dans ma faim, j’avalai son sparadrap qui ornait son doigt, alors Isa tatoua mon dos, y incrustant cinq croix, j’lui souris sous l’acquisition du nirvana, Isa, s’acharnant, imprima sur ma main son fol savoir royal, sans sanglots ni soupirs, drapant illico son corps dans sa distinction pur bijou. Nous gagnions la fusion, nous nous attachions à l’unisson. Isa m’inocula son surnom, j’la dopai pianissimo, Isa m’apprit l’adagio, j’imaginai son anti-poison.
Sans comparaison dans sa distinction, Isa m’intimidait plus qu’un dalaï- lama. J’ai lu sur Isa mon futur d’illumination, mon Christ, mon bandit à la chair pur satin, ma voyou d’amour, ma migration au sud, ma passion diabolo ricard urbi, orbi, ici surtout. Isa vivait dans mon moi, star hors du colis à pions, irradiant sa fulguration, captivant mon air ambiant.
Un soir, Isa mit un pull noir, chaussa sans bruit bottillons à talons hauts, imposants, ôta tout gant pour un glissando d’câlins sur ma chair. Formulant un magnificat, Isa souffla un magistral ouragan byzantin ; la vodka coulait à flot, l’alanguissait ; sur un sofa, Isa brûla alors mon corps lascif par son million d’imposants diamants. D’un savoir instinctif, j’n’ignorais point qu’Isa haïssait cols maos, catogans maltais, visons pour pin ups, sarongs trop longs, faisant black-out sur îlots du faux — faux marquis, faux marins, faux « oui ». Isa glissa mon doigt dans son vin blanc puis m’fit l’amour pop-rock fluo, pas Traviata pour un sou.
J’ai vu son iris trop mignon bruissant d’un gris-brun, mordis un instant son sourcil droit dont gicla son sang au goût mi-pavot, mi-haschich, puis, pris un stylo qui courut sur son dos blanc. Moi, trop accroc à son roman troublant, à son film paramount trois D, j’sculptais son bras, sa main, son pubis, son clitoris ; nous nous conduisions au bal du sud, tous lampions azurin tournoyant pour nous, nous touchions nos paradis, surfions dans nos plis, composions suçons au clafoutis ou au lotus mandarin, garrottant tout fracas hors passion. J’aspirai son rock and roll lipstick, lui taggai bisous colimaçon, frayai un slow romantico-nuptial, un viol digital roux-incarnat.
Un jour, Isa balafra buvards blancs par moult traits noirs, scripturaux aussi, par moult croquis au crayon puis au scotch diffus. Ronds du plaisir autour du thorax, Isa quittait sa nuit pour un pays du frisson. J’l’invitai pour un bain lustral où barrir nos SOS. Nous jouions ablutions dans un sauna d’amour, too much son talon sur mon cou, sa voix au ton cinglant, ma strangulation via son boa indigo. J’adorais mon immolation sous son art d’la domination. Ma fiction maso, j’la lui offrais au vocatif : j’l’invoquai « ô Adonaï » puis suçai son arpion droit. Sachant pourtant qu’Isa haïssait la corrida, j’ai dit « ton corps = ma maison, j’suis aficionado à toi, à ton in-folio du Tout ». Isa rajouta « il faut agir, un arc du plaisir à la main, sinon bonjour la mort ». L’humour qui nous accompagnait à l’instar d’un loup garou multipliait nos vibrations, nos libidos : nous brûlions d’amour. On sortit. L’air frais ruait, coupait par son froid ; on alla dans un bar où volait un canari, on assouvit nos soifs, duo grand choc garanti. Moi, qui, au fil d’un soin maximal, lisais sa partition, son manuscrit sibyllin, la couvrais d’irradiants bisous alors qu’un mac aux bras nus, aux mocassins fuchsias crachait son filon d’dollars pourris sans mouvoir — mais alors pas du tout — Isa. J’accouplais bisous sirocco à bisous simoun, bisous aquilon à bisous mistral, aimant tout d’Isa qui livrait typhons aux soupirs doux. Isa cachait ou plutôt blottissait son moi dans un amas d’myosotis tandis qu’yaourt grignotait, coco sniffait. J’ai dit « d’instinct, j’allai à toi », rajoutai « on a conquis un duo affolant, dans la satisfaction d’avoir mis la main sur nos infinis gagnants ». Sa tribu m’aimait, mon bras pointait « visa pour Paris, Tombouctou, Miami ». Son ADN valsait dans l’insoumis, tout droit civil aboli.
Nous nous dirigions dans un salon tout rond quand Isa poussa un cri aigu : s’imaginant voir un corps mort au sol, Isa prit ma main, la griffa. J’ai aussitôt dit « mais non, Isa, just a girl au minois Birkin qui dort ». Isa gifla la nana pour voir si j’avais raison, no luck pour Isa, la nana au chignon s’avançait nympho jusqu’au bout du doigt, hurlant « Gainsbourg » dans un charabia proto-chinois. Son trauma s’annonçait hard. Isa s’arracha à l’appât, conjura tout pouvoir, — non mais —, sans sortir pourtant ni fusil ni canon. Isa avait trop d’attraits, tous — putains ou pas — la lorgnant car sa distinction foudroyait. Un blason d’animal où suppurait un lavis tout frais — lynx, lapin, dragon ? — ornait un mur blanc garni aussi par cinq photos d’Araki. Isa n’avait aucun tabou mais, cultivant l’amour du vrai, clôturait son corps aux chansons sonnant faux. La loi du non-toc l’habitait sans limitation. Nous nous cajolions à loisir, titillant nos pics, nos points culminants. Tandis qu’Isa dosait un summum parfait du divin amour, j’osai lui offrir un parcours last cri, sachant qu’Isa aimait l’inconnu, l’ultra-original mais sans jargon. Un duc mondain, rat trapu au pif camus, plumitif au coloris gris, la guignait aussi ; il lui susurra « just’un mini-flirt, trois tours d’hydrocution light », mais Isa l’ignora, tirant sur sa Marlboro, lançant floraisons d’ronds blancs dans l’air du soir. Isa aima un toboggan pur champ’ coulant à flots qui la vrilla dans un plan rubis, mais bouda la moisson caviar qui circulait catimini, incognito. Plus bourru, Lord duc s’approcha d’Isa, lui offrit tout l’or du Galactic Trust ; grimaud bavard, brouillon dans son propos, l’ouistiti n’articulait pas : n’s’acclimatant pas du tout au bruit, il hurlait. La fourmi qui balafrait son cou lui donnait un torticolis. Son dard qu’il avait sorti rougit quand Isa rit. Humiliant un ris aussi clair, un vrai coup d’surin pointu, rançon pour l’immoral à la fois chaud-glacial…
Pourtant, son mirliton plus folichon qu’un pollochon aurait dû ravir Isa. Lord duc, cabot rompu, don Juan banni, commanda un armagnac, un calvados puis un brandy, avala tout, s’apitoyant sur Fortuna, soignant son fiasco cuisant, parla sur Clotho, Atropos, tira dix dollars, good tip isn’t it ? John, barman pas jobard pour un sou grimaça, cogita « Dix dollars ? À mon avis, just’un clou pour mon corbillard ». L’urticant duc nous confia un discours sur la notion d’« conatus » dans l’opus magnum du King Spinoza, puis vira sur Proust, Guyotat, Michaux, Gracq, Quignard, Cixous, Yi-King — il avait bon goût —, tandis qu’impoli, John frottant son bar, bâillait. Pas du tout groggy, Isa prisait la coco sur un miroir sans tain. Soudain, j’allumai son cou, y flânant, y griffonnant cinq mots d’amour, vrai sautoir d’purs bisous vingt-huit carats. Isa m’imposa soumission, mais pas trop, disciplinant mon tourbillon, modulant mon transport, m’attachant par son lasso au comptoir : son obi m’immobilisa manu militari. Lord duc, l’air d’un mafioso sournois arborant la loi du talion, nous proposa sans concision un safari, un fric-frac sans damnation, un tour dans sa Cadillac ou sa Rolls — au choix —, un kimono doux, un chai divin, un avion pour Haïti. Il agitait son carillon, son klaxon, mais Isa ripostait, coupait court, distillait coups d’grisou, niant l’intox du malotru qui contracta un cafard aigu. « Un show full chipolata, sans play-back ni poux au paprika, dans un lupanar nippon, ça vous dit ? » clabaudait-il. « Ou, trop snobs, il vous faut la last star d’Hollywood pour alunir dans l’oraison? ». Isa riposta « moi, l’hosanna a un nom : Savannah Bay. Ton plan curriculum mortis, ton pot-pourri du Tyrol plairait pas à Duras. Si tu glapis un Agnus proto-Christi, j’miaou un ut aigu ». Isa fumait, sniffait trop, voulait un shoot subito.
À la fin, il prit trois photos d’Isa, consolation pour albatros albinos. Dubitatif, tout flapi, il prit un canif, grava son nom dans l’bois du comptoir ; puis rajouta « un gala grand chic au profit d’un tabloïd pour gays and trans, ça vous dit ? ». Son carnaval nous fatiguait. Sans plus d’illusion, aigri, il s’offusqua, cogita plic-ploc « pourquoi l’amour chômait-il aujourd’hui ? pourtant j’ai un look rock à la Mardi gras, un pistil au top du top, un mât dur, un gland pas balourd, vif quand il y a corrida, pourtant, mon corps n’a point fait d’abus avant, mais j’aurais dû choisir un championnat d’billard, d’origami ou l’amour dans un parc plutôt qu’ondulations cocoricos dans un pub pour fans homos d’la troubadour Sapho, pour convaincus du clan Virginia Woolf ». Il jura, balbutia « à la maison, j’ai aussi un attirail d’olisbos, d’lingams. Au grand dam du saint patron Job, j’suis cossu, j’suis nanti, moi. Caïn avait trois fois raison d’raccourcir son frangin dans la mort », il paya cash l’addition, partit, tyran à cran, laissant un carton d’invitation. « Du gribouillis vomi, summum du Judas simulant un saint », lâcha Isa qui n’avait pas lu la Torah mais avait du flair.
Pour sortir du charivari, Isa proposa d’aboutir dans un appart’ d’amis pas trop loin du bar où nous batifolions. Son parfum Christian Dior flottait dans l’air, plus aigu qu’un yatagan ou qu’un kriss malais. Un motard passa, nous courtisa. Mâchonnant du tabac ou du manioc, il nous parla cognac, plumard, nic-nac au lit. Son air distrait, son blouson noir croulant sous un strass rococo, son minois punching ball victimal, sa diction trop yaourt… tout agaçait Isa qui riait jazzy. Trop insignifiant, trop couard l’ado cachalot blond-roux aux tifs d’Iroquois, pas du tout Apollon, no luck pour lui : il n’imprimait aucun court-circuit sur nos corps. Faux chaman, il puait la trahison, sans aucun atour. Isa voulait un ovni saisissant, pas un pingouin bavant un abondant charabia. Il postillonnait quand il parlait, distribuant son coryza, inoculant son inflammation au cosmos dont un bord craquait aux abords d’Sirius. Isa lui administra un « non » cinglant. On marcha, ignorant son flot d’irritations, d’objurgations qu’il lançait dans un argot brut, rustaud, cru. Trop brutal, lourdaud, ronchon, l’matador n’obtint pas sa tombola : on fugua, marchant d’un bon pas.
Plus loin, pour issir l’affliction qui gagnait Isa, j’imprimai trois bisous autour du nombril, disant « si nous faisions d’abord l’amour dans l’Atomium avant l’oasis promis par ton clan d’amis ? ». Isa sourit à ma proposition, insista « d’abord mon bal d’amis ». Cachant ma main dans son cou, j’articulai « ok pour ton souhait ». J’admirais son attrait affriolant, sans alibi ni apparat. La nuit jalousait l’incantation qu’Isa offrait. On croisa un passant chafouin, sournois au radar assoupi. Isa l’alluma au quart d’tour, distillant un tango d’soupirs, d’ondulations mais sans discourir. Grattant son cou gras, l’individu quitta son air monacal puis banda, façon marsupilami. Isa offrait un show parfait, shocking à souhait. J’adorais la libido auburn d’Isa qui troublait mon fatum ; j’adorais sa toison charbon qui, surmontant son front, laissait voir un C dans son cou, j’adorais son knout noir jais qui cinglait son minois. On sonna, on nous ouvrit, on monta, roulant nos lips alors qu’un lift nous transportait au nadir d’la passion. J’avais faim d’Isa qui m’inspirait l’amour, un safari brûlant full santal.
Un sportif à l’air judoka nous ouvrit, sans pouvoir sortir un mot, sauf qu’il hurla « Sissi » quand il vit Isa. Sous son kimono, il portait un short moulant Tom Ford dont il saucissonnait l’bord. Il nous parla d’son hobby : l’incarnation du paracommando supraviril affichant sa kalashnikov dans pornos gonzos ou pornos chics. Isa allumait dans l’air un tir astral. Sans ça, il s’attaquait aussi à un roman sur Trotski, son assassinat surtout l’intriguait ; il nous narra 1917, la fin du tsar, l’auto-liquidation du voyant Maïakovski, la claustration d’Varlam Chalamov durant 22 ans dans un camp d’l’Oural, dans un camp dans la Kolyma, sa mort à Moscou, il nous planta la storia autour d’Anastasia Romanov, la condamnation du savant Sakharov, puis passant du stalag à la glasnost, il nous rabâcha la transformation d’l’URSS. Nasillard, il bafouilla Anno Domini MCMXXXI d’Anna Akhmatova puis nous lut Portulans d’Alain Badiou. Roi du porno mais aussi militant qui avait un Bac philo, pour moi, ça collait pas. L’abolition du knout, du samovar ? Pas pour moi. Du coup, j’n’ouïssais pas un mot. Isa sourit à un ami qui lissait un citron sur un bras fin alors qu’la nana, somnolant, paraissait loin, loin. Tout flottait, l’acid-jazz, l’opium, la coco, sur micro-cris partouzards.
Un DJ arborait son cul nu, gardant un top tissu cuir pimpant, puis coïta coagulation high, formula magica, with an African vamp qui passait par là. Un plouc, un vrai ourson prompt à l’imitation, ôta aussitôt son pantalon, grimaçant, pourtant jovial, mais maladroit, voulant production d’un jacuzzi pur duo ; il souriait mirador, affichant son stylo Mont Blanc qui bandait Abraxas. Cazou, la nana au bras qu’visita l’citron adora son bazooka ; il disparut, puis Cazou aussi, dans un cachot sado-maso soft pour porno bistouri chirurgical. Isa dit « abhorrant un lac sans poissons, un babil transi d’un lumbago, Cazou a toujours voulu s’abolir dans un savoir total, sans compromis : un carburant pas fort, trop frugal, un frottis vaginal, ça n’lui suffit pas, sans ça Cazou s’assoupit, s’affadit. J’ai toujours connu Cazou dans la sophistication, l’intoxication, vomissant l’humus plat, l’art chromo acquis à la soustraction. Il lui faut un gang-bang, bondir dans l’azur, pas l’bataclan saint Thomas d’Aquin, cupidon papal ».
Isa valsait un rap with a blond man qui guignait sa mini-skirt ; l’art du corps qu’Isa magnifiait catapulta l’hidalgo au Walhalla. Adroit, l’hidalgo la propulsa dans un sofa, puis la chavira, sans parti-pris du parfait carbonari car il avait du tact : candidat au nirvana mais pas judas à la noix, il savourait l’instant opportun, jugulant sa libido. Pas normatif, pas martial, pas hussard du tout, finaud pourtant, il matait l’opposition par l’ombilic d’un palais tropical. Nonobstant, forban, il noyautait Isa, lui imposant son diktat, l’occasion toujours fait l’larron, y a pas plus mignon Ali-Baba ici-bas, crois-moi, j’suis un vrai maharadjah, pas un banal vassal bancal ambigu. Il avait compris qu’Isa aimait mustang pur-sang, l’artisan loyal, l’affranchi coruscant, champion du saxo, pas un soldat manchot, lancinant au gabarit canari ni un amiral du traintrain. Qu’il parlât un anglais mi-citadin, mi-rural la charma. Il avait saisi la discrimination : haïssant la vacillation du tambourin, adorant yacht sur la Volga, mangas, kinbaku high fashion, Isa papillonnait, butinait la chair d’or viril, pas la chair macho, Isa convoitait un chouan à sang royal, un raid rafraîchissant, pas un galimatias crispant ou un tohu-bohu au rabais. Si on lui offrait un raccourci dans la transmutation, tout ratait, virait au chaos. Moi, j’languissais, un shibari nippon dans un donjon conçu pour un cartoon BDSM, un monogant Armani, un harnais Gucci pour pony girl, ça manquait à ma libido. Subir punition, pilori, instructions pour dolls, m’avilir agrandit mon almanach du plaisir. Un hallali à Roissy pour mon birthday dans dix jours, moi aux abois dans la tour où on cravacha, brûla, gifla, attacha O., ça m’plairait.
Puis, quand Isa apparut sans son olibrius, roulant sur moi, il fit jour. Accroc à Isa, mon diapason vibrait 440 pulsations par bisou ; son la, mon la, nos quasars, tout coïncidait ; nous nous pâmions ourlant l’obscur d’illuminations, dansant cap littoral Bahamas. Casino du goût constant, atlas wild passion : nous courions dans l’amour, nous montions dans l’axial, à l’affût du sibyllin. Quand j’offrais mon pays, Isa y gambadait. L’jour du Yom Kippour approchant, j’ululais « pardon » dans son pavillon droit lui parlai du baisoir où Charlus allait assouvir sa passion, son vol du bourdon mais Proust lassait Isa. Cazou passa, murmura tout bas qu’Isa avait l’air d’la vamp qui fascinait don Juan, brimborions, caporaux, pdg, vautours, play-boys, gigolos, gandins, tutti quanti… Minuit sonnait dans nos corps. Nous dansions slow horizontal, tâtant l’azur. Isa bondissait dans la passion, j’lui tatouai graffitis, sculptai son dos, la gratifiai d’un sursis puis nous catapultai dans un champ d’pur coton, jouant à Champollion, traduisant, lisant imagos d’Isa qui attacha soudain un bandana around my hands. Montrant un bol pour chiwawa, Isa y grava mon nom, puis, d’un ton dictatorial, m’ordonna « bois ». Tortillant du cul, j’y lapai du pudding pour chats. Isa, Christ noir honorant Rimbaud, comblait mon aspiration à la purification, à l’humiliation, satisfaisant mon goût du nirvana.
Nous dormions quand un grand nougat purpurin aux mocassins Prada nous apparut. D’instinct, j’ai haï son kilt, son air ingrat, martial d’spadassin honoris causa. À coup sûr, un lambda sans brio. Isa connaissait l’individu : un gourou poilu, aux favoris gris, à lorgnon, un post-nazi qui donnait raison à tout pourvu qu’on l’admirât, qui pouvait rugir à mort quand on l’abandonnait, qui avait promis à Isa un parcours original pas du tout trivial, mais qui la maudissait pour son critical spirit, son crazy mind. Pontifiant, il marmonna à Isa « où luit ton but ? Tu connais pourtant mon pronostic : j’ai la solution, l’application qu’il faut pour toi, j’ai un jackpot du gain sagittal-occipital. Sors du fictif, du roman familial, du lapsus vital, Isa. Grandis hors du Lilliputland, nourris-toi du mot omis — tu sais quoi. Sans ça, va dans un sanatorium. Au rayon import, tu as commis l’impair. Fini, j’ai plus d’ultimatum pour toi. Trop tard pour ton papa-au-rhum. Ton plan castration visant mon ocarina à six trous, il gît six crapauds sous la taïga. Tu connais mon opinion : la dislocation = la construction ; sans fondation, tu n’iras pas loin. J’ai trop compris ta disparition : tu as fui, tu as choisi l’oubli car j’avais raison ». Isa qui, pourtant, paniquait, signifia un fous-l’-camp poli mais clair au roi du bobard. Dissimulant mal son agitation, l’individu malfaisant s’irrita, la traita d’putain, vanta son radis, s’orna d’un air glacial, porcin, dit « tant pis pour toi, Isa, il n’y aura plus d’modification spiritualisto-bouddha, astralo-horoscopo-Fibonacci si tu choisis la faction, l’insubordination. Jamais, tu n’as dit « jamais » ? Tant pis. Trop tard. La damnation, tu l’auras. Salut, lutin ».
Agrippant Isa, il ajouta « Vois là-bas, la bimbo aux collants moulants. Crois-moi, dans cinq ans, this girl au bibi noir, au discours talmudico-schizo, aura mis l’grappin sur la world music. Son nom ? Lady Gaga ». Pas contrit du tout, il sortit, à l’affût d’un pogrom pour ahuris, d’un chow chow adorant la soumission sans condition. L’apostrophant « chacal pourri », il frappa un clown qui jouait d’l’harmonica puis, pas fort malin, commanda un jus d’açaï bon pour l’anti-oxydation à un garçon qui limait du rutabaga.
Isa, l’air mutin, souriait à mon amour. Nous nous prodiguions l’infini, la saison sans fractions. Mastiquant du chocolat, Cazou vint nous voir, sollicita nos avis : « pour moi, tous sont bons sauf : flics, toubibs, paparazzi, factotums, clochards, j’ai raison, non ? ». Nous formions un mur d’airain sans mots. Isa lui roucoula « fais pas joujou, fais pas l’amour sans caoutchouc, surtout con tu panda catalan gangsta rap consommant cinq catins par jour. Fournis-lui du bambou, un kit full fortifiants pour la tonification d’son trognon ». Cazou nous laissa, nous balançant un joyau — un zircon — qu’Isa passa à mon doigt. Un rasta parlant swahili distribuait gratis pro Satan du LSD qu’il sortait du frigo. À Isa, il balança « baby, un round d’amour à la façon Oulipo, ça t’instruira. Mon pick-up n’fait jamais dans la vulgarisation : pour toi, il luira volubilis. À Kingston, y a pas d‘inculpation pour viols. Un corps affriolant, ragoûtant, on l’abrutit par du gin, on l’inscrit horizontal sur l’macadam, puis on lui dit bonjour façon Oulipo. J’suis à ta disposition rayon libido, rayon stups». Il attrapa au vol un poisson voilant, ça aguicha un post-punk aux santiags pourris, un vrai sac-à-vin, un suppôt d’Bacchus qui saturait l’air d’alcool. À s’offrir à son fagot d’rayons U.V.A, U.V.B., on risquait l’insolation. La nuit nous bordait, bandant son arc noir. On crut voir miss Faithfull sortir du balcon, mais un grand trapu au foulard d’cow-boy, arborant un bolivar — à coup sûr, un YSL ou un Lanvin — nous cachait la vision. Jaillir du lit, glapir son nom ? Lui offrir un strip à la Dita von T. ? Trop impoli.
Isa captivait, bousculait, raptait mon corps, distillait un frisson fringant, un haïku virginal, un quatrain brûlant, pinçait mon sabbat da Vinci, posa un turban pour m’offrir l’air du cornac puis m’attacha au mur, position INRI. J’goûtais la crucifixion qu’Isa m’administrait. D’son foulard Gucci, Isa fit un bâillon qui chatouilla mon larynx, puis, arrachant mon string, accrocha un bijou à clip à mon pubis. La voix d’Faithfull griffait l’air. Isa griffa mon dos, puis cravacha mon flanc droit. On s’affranchissait du glas, du bris, du tracas, du caduc, du contraignant. On soutirait l’inspiration à l’instant. Nous cassions l’air banal par la chanson du vital. Nous cavalcadions sur nos pitons d’or, nous nous grisions d’accords musicaux — madrigal, partita, toccata, mazurka, tout affluait. Quand ma diva poinçonna mon nombril puis m’arçonna à sa façon, mon moi d’avant jouit fortissimo. Pour n’avoir à subir intrus, tordus, toxicos soumis aux chocs ultra-marins, fanfarons vantant ruts dans Jaguar ou Lamborghini, partouzards jamais satisfaits surfant dans la saturation, moujiks à kippas, nous avons fui c’bruyant raout. Au stylo, Isa inscrivit sur mon bras droit : « astral l’apostolat qui voit dans la passion un faucon volant dans un lopin du jadis ».
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Ce texte est bâti autour d’une absence, de la volatilisation de la lettre « E ». En hommage à La Disparition de Georges Perec.