Jeff. Jean-François Houdemarck. Dit Jeff-le-Liégeois, à cause se sa chevelure très noire autour du crâne, et toute blanche au sommet. Quarante-deux ans. Son corps est arrivé ce matin de Tel-Aviv, pas trop pourri, mais un peu juste. Heureusement qu’il était maigre. Sa mère est dans la pièce à côté, elle pleure doucement, comme elle a toujours prévu de pleurer au cas où il ne reviendrait pas vivant du Congo, du Kosovo ou d’Afghanistan. Souvent, elle l’a rêvé explosé, déchiqueté par une rafale ou une bombe, ou même torturé. Il vivait seul avec elle, il partait, téléphonait, revenait, téléphonait, repartait. Petite vie tranquille dans les faubourgs de Namur, sauf ces escapades rares et précises dans les brasiers de l’actualité, qu’elle avait admises parce qu’elles se traduisaient par un soin méticuleux de tous les détails qui la rassurait : le choix des vêtements adaptés au froid ou à la chaleur, la mise en ordre des passeports, permis, vaccins, billets et autorisations, le nettoyage méticuleux de ses Nikon, viseurs, objectifs et accessoires. Il ne supportait pas, lui qui vivait dans le désordre et, aux yeux de sa mère, une propreté toute relative, la moindre trace de poussière sur les lentilles de sa caméra. Lire la suite