Le plus redoutable de tous les maux qui menacent l’avenir des États-Unis naît de la présence des Noirs sur leur sol.
Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique
Il n’est parfois pas inutile de faire place à ce bref intervalle de temps qui précède la pensée (quand elle est assez aimable pour se produire), à cette émotion qui subjugue un instant, à ce furtif moment où la jubilation ne s’occupe à peu près que des frissons qui parcourent son échine. De faire place, avant d’intellectualiser, à l’embrasement du cœur. Si tel n’était pas le cas, on verrait se dépeupler les nations On assisterait à l’effondrement du commerce des chants d’amour. On verrait triompher la raison, la mesure, l’objectivité et ainsi de suite, toutes choses auxquelles nous ne sommes décidément pas en mesure de faire durablement face.
J’entendrai, cependant que passera ma diligence pavoisée à la couleur d’Obama, aboyer les cyniques. Ainsi que Remy de Gourmont s’adressant, poétique et fervent, à Simone, je dirai seulement : « Je veux bien ». Car oui, j’ai le goût très profondément incrusté de ces abois-là et je les préfère généralement au chant des oiseaux ou au chœur des anges. Mais au soir du 4 novembre, je me hâte d’exulter. Sachons encore exulter. Déchanter, nous savons. C’est notre lieu d’excellence, le désenchantement. Nous avons fait nos preuves. Et, prudents, d’une prudence que n’inspirent au demeurant pas toujours l’intelligence ou le courage, nous avons pris le pli de ne nous émouvoir qu’à huis clos ou plus simplement encore de feindre que nous ne cédons plus à l’émotion. Obama président, hosanna ! Le vol du boomerang est fameux. Et même si l’on peut craindre que l’aile volante choisira l’émail étincelant de notre sourire béat comme point d’impact, applaudissons son évolution dans les airs. Les ères. Lire la suite