Que fait la basilique assiégée ? car son seul être est un faire. Elle incite aux amalgames les plus heureux. Elle cite pêle-mêle des textes grecs, arabes, latins. Les Évangiles et le Coran indifféremment. La basilique cite. Et polyglotte, elle intrigue le tireur d’élite. Il faut être un moine franciscain pour démêler l’écheveau de la nouvelle œcuménie. Il faut être un moine franciscain (sans complément de but). Assiégée, la basilique s’est réfugiée dans ses citations. J’entends une phrase de Kazantzaki dans cet ouvrage traduit par Gisèle Prassinos. Tout s’embrouille en moi. Je revois encore Gisèle, son verre à la main. Trois filles, Camélia, Chiraz et Hind : mes filles. Mon courrier me vient de France, de Belgique, de Hollande, du Luxembourg, de Russie, des États-Unis. J’ai des amis partout, presque. Et les choses s’embrouillent. Mais je n’ai jamais reçu de courrier de Palestine. Par deux fois, j’ai serré la main du Poète i.e. Mahmoud Darwich. Un merle a chanté sous la fenêtre de ma classe de poésie. Une étudiante a écrit un mauvais poème. Comment sa beauté le lui a-t-elle permis ? J’entends ce passage des Évangiles : Voici, l’heure vient, et elle est déjà venue, que vous serez dispersés chacun de son côté et que vous me laisserez seul mais je ne suis pas seul parce que mon père est avec moi. J’entends un moine parler à une hirondelle. Saint François traverse une rue de la ville. À quoi bon manifester dans les rues de Tunis ? Des images de Jenine. Jenine (fœtus en arabe) interdit de faire des poèmes. Que fait la basilique abritant des hommes armés de kalachnikov, de lectures anarchistes et de textes sacrés ? Il y a aussi quelques Européens. Salam aux moines franciscains. La basilique-arche. Tout près un fœtus, une mère éventrée. Une amie de Bruxelles m’écrit son écœurement. Bethléem a fait le premier pas dans l’inéluctable rencontre de l’Islam et du Christianisme. Autre citation de Bethléem : Si Dieu ne repoussait les humains les uns par les autres, combien ne seraient pas abattus de campaniles, d’églises, de synagogues, de mosquées où résonne sans trêve le rappel du nom de Dieu ! Et que Dieu secoure qui le secourt ! Je relis ces versets coraniques. Bethléem a mis trente-neuf jours pour sceller la rencontre de Jésus et de Mohomed. Les hommes sont sortis. Trente-neuf jours. Les Européens, nos frères, sont repartis chez eux. Les moines reviennent à leurs prières. Les autres sont à Larnaca, dans l’antichambre de l’exil.