Chronique de l’ère mortifère

Frédéric Baal,

Des circonstances fâcheuses jouent contre nous… on n’arrive plus à se faire servir… les charges sociales grèvent notre budget… elles mettent l’avenir des domestiques en péril !… les augmentations de gages déprécient un véritable symbole de la hiérarchie des classes !… quel boulet nous traînons, attaché à nos pieds par une chaîne d’exigences qui, si l’on n’y veille, ne connaîtront plus de borne… la baisse du pouvoir d’achat des milliardaires nous remplit d’inquiétude… notre impécuniosité s’aggrave d’une diminution progressive de nos ressources… des oiseaux de mauvais présage s’abattent sur nos récoltes de fonds… nos fortunes risquent d’être emportées par la crue économique… nous sommes en plein baccara !… les quittances en souffrance s’accumulent… les impayés ne se comptent plus… nos goûts dispendieux nous mènent au bord du gouffre… notre situation matérielle accusera sous peu des découverts catastrophiques… les déficits ne cessent de s’accroître et nous devrons bientôt réaliser tous nos biens… des hypothèques pèsent déjà sur nos résidences royales et sur nos châteaux flanqués de tours en poivrière… aux toits d’ardoises avec poinçon de charpente surmonté d’un épi de faîtage en poterie de terre cuite !… sincèrement, je me demande où je vais chercher tout ça… dans quelle gouttière, dont les eaux pluviales vont où va toute chose, ai-je pu ramasser des termes d’une délicatesse aussi recherchée ?… je m’égare à force de digressions… il ne s’en est guère fallu, ces derniers jours, que l’on n’apposât les scellés… mais nous ne laisserons pas dans l’erreur où ils s’obstinent les avaricieux et autres esprits chagrins toujours prêts à blâmer notre conduite… nous n’aurons point la mesquinerie de nous défaire, pour quelques malheureux billets de mille, des plus belles pièces de nos collections de voitures anciennes, aux sièges de cuir imprégné d’une odeur si forte qu’elle monte à la tête… ni de refréner notre goût des pur-sang et de sacrifier les écuries en bois rustique où logent nos ânes… las ! les lads précipitent la ruine de la monarchie !… l’entraînement de nos cracks s’achève en krach !… le derby d’Epsomme nous perdra !… fort mauvais jeux de mots, je vous l’accorde… qu’y puis-je ?… la débâcle financière entraîne la faillite du langage… je voudrais ne rien alléguer qui ne fût certain, n’ai aucun penchant à la médisance, me refuse à colporter de faux bruits et me défends de m’appesantir sur des détails, bref, je ne voudrais pas être une mauvaise langue et donner crédit à une rumeur, mais j’ai entendu raconter d’un aristocrate qu’à peine ses emplettes finies au sous-sol d’un grand magasin de la City, où son choix s’était arrêté sur un assortiment de crosses de golf, il a tiré de son gousset pour le présenter à la caissière un billet de réduction déchiré suivant le pointillé dans un journal !… ne soyons pas bégueules avec le pognon… c’est réglo !… qui ne lésine guère sur la dépense et vit aux frais de la prinsieste a du mal à payer rubis sur Londres… pauvres de nous !… rien n’arrêtera les poursuites des créanciers chirographaires !… comment les dépister ?… nous dérober à ces importuns ?… ils nous feront notre affaire !… notre prodigalité nous conduira au désastre !… les gagistes fermeront nos garages !… de plus en plus mauvais jeux de moches… sans parler des frais d’entretien de nos demeures seigneuriales du xviiie siècle et de leurs salons au parquet de palissandre, desservis par des portes sculptées, meublés en Boulle ou en chippendale, parés de tableaux historiques, décorés d’armures et de trophées, de tapisseries à ramages et de tentures de soie brochées d’or… et que dire de nos fontaines lumineuses creusées en forme de vasques, ornées de petits dauphins et de tritons qui sonnent de la conque et brandissent leur trident ?… my lord ! les pairs en perdraient leurs millions d’hectares et les quartiers entiers qu’ils possèdent à Lombres !… j’envisage d’ailleurs de me lancer dans le business… diriger une usine où l’on mettrait de l’oxygène en bouteilles, retaper des gentilhommières et de vieux manoirs, ou convertir le domaine de Mackintosh Paresse en réserve naturelle… le syndicat d’initiative proposerait aux vacanciers des safaris-photos, et ces expéditions, d’un caractère à la fois sportif et artistique, se termineraient par des soupers fins et bien arrosés servis dans la cage des fauves au son d’un orchestre de quatre-vingts exécutants habillés à l’ancienne mode !… pour solde de toute comtesse !…

*

Le président-directeur général d’une société multinationale se glissait à certaines heures parmi la foule du grand bal carnavalesque. Un sourire d’amabilité contrainte, propre à dissimuler les intentions criminelles qu’on lui eût à bon droit prêtées, flottait en permanence sur ses lèvres. Coiffé d’une perruque dont les cheveux se mêlaient aux siens sans qu’on pût les distinguer les uns des autres, le buste à demi moulé dans un gilet de soie qui prenait bien la taille et faisait bouffer le jabot de mousseline brodée, il avait mis des gants pour ne pas laisser d’empreintes digitales. Son visage osseux et ses jambes très minces, chaussées de bas à incrustations de dentelle, lui donnaient un air de rapace.

Deux cent cinquante millions de dollars de bénéfice l’année dernière !… et net d’impôt !… si nos esclaves du traire-monde ne travaillent pas pour nous, pour qui travaillent-ils donc, je vous le demande… nous tenons ces chiens en laisse !… et leur distribuons leur pitance… il nous est d’ailleurs insupportable qu’ils la réclament toujours davantage… quelques miettes caritatives tombées de notre table… le cas échéant, si l’on me met à contribution pour secourir les plus démunis, on m’y trouvera disposé… je leur viendrai en aide selon mes petits moyens… je suis enclin à la miséricorde… je ferai un digne usage de mon argent… ils devraient m’en être obligés… quoi de plus normal que ces dispositions bienveillantes ?… un spoliateur qui aggrave le sort des malheureux ne manque-t-il pas à tous ses devoirs s’il néglige de se pencher sur la misère de ses victimes ?… il n’y a rien à dire à cela… argument qui porte à plein… je ne pense pas que personne veuille me réfuter à ce sujet… quand Dom Helmisère Camarde distribuait des vivres aux nécessiteux, les riches appelaient sur lui les bénédictions du ciel, mais ils le traitaient d’ultragauchiste s’il demandait pourquoi les pauvres ont faim… quels embarras il nous a suscités en Crimérique du Sud !… Dieu soit loué ! l’Oppressus Dei épaule les forces conservatrices… la curée romaine l’a écarté de son poste pour le remplacer par un prélat moins turbulent… comptes numérotés en Schwuisse !… un nom de pays qui fond comme un schwocolat sur la langue… qui passe comme un schwuchotis sous la porte blindée d’une banque… tiens, ça rime !… c’est amusant !…

Qui fond comme un schwocolat sur la langue

Qui passe comme un schwuchotis sous la porte blindée d’une banque

Après une telle envolée, nul ne doutera plus que je suis poète à mes heures…

Je suis poète à mes heures

Et l’éclat argenté

Des pics enneigés

N’a pas d’odeur

Nous couvrons nos manœuvres d’une apparence de légalité… les liens du sang facilitent les relations professionnelles… les membres d’une même famille dirigent nos entreprises, discutent autour du tapis vert et se répartissent entre eux les avantages de missions secrètes… les ronds de fumée qui montent de leur cigare ne se comptent plus… deux cent cinquante suivi de plusieurs zéros !… de véritables cercles de famille !… à la célébration du mariage civil succède d’ordinaire la messe nuptiale… je vous l’accorde, il arrive à certains défenseurs de la liberté et autres idéalistes d’appartenir à l’Église, mais les incartades de ces têtes brûlées ne doivent pas nous rendre moins attentifs au respect de l’ordre établi imposé aux fidèles… avec quelle rouerie ne veille-t-elle pas à l’apprentissage de la vie !… les préceptes inculqués aux enfants exercent sur eux une influence d’autant plus forte qu’elle est insensible… les idées dont ils s’imprègnent les façonnent à leur insu et, devenus hommes, ils trouvent la sujétion naturelle, perpétuent d’eux-mêmes les abus et servent nos intérêts sans trop nous résister… pour un peu, j’irais croire en Dieu !… je n’en vais pas moins tous les dimanches aux offices… un asservissement des consciences aussi favorable à nos desseins vaut bien quelques messes…

Une histoire cocasse me remonte à la mémoire… Jimmy Casse-tête ne nous rend pas la tâche facile… il a le culot de nous défier !… il lui a pris la fantaisie, pour sanctionner l’invasion soviétique de l’Afgrainistan, de mettre l’embargo sur les céréales ricaines destinées aux Russkofs !… il blesse nos intérêts !… il nous porte préjudice !… il fausse les règles du jeu !… il entrave le développement de la tyrannie !… c’est une entreprise sur nos pouvoirs… que fait-il du droit des multinationales à disposer d’elles-mêmes ?… celui qui nous empêchera d’agir comme nous l’entendons n’est pas encore né… nous achetons du grain en Argentune et le revendons sous le manteau d’astrafiquant aux Russecoffres… les céréales invendues pourrissent dans les silos aberniquains…

Jimmy Casse-noisettes en est réduit à dédommager les aigriculteurs… deux milliards et demi de dollars et des cacahouètes !… une paille !… c’en est bien assez pour que son successeur, Ronald Duck, arrête ce cinéma… de guerre lasse, il lève l’embargo… la morale de cette histoire ?… le grain et le gain ont leurs raisons, que la raison d’État ne connaît point… ou mieux : nous nous fondons dans la raison d’État si elle nous sert, et la plions à nos raisons si elle nous dessert…

Poursuivre la fraude ?… supprimer les paradis fiscaux ?… il n’y faut pas songer… ce serait un scandale !… une inqualifiable injustice !… un frein à l’écriture du roman de cape et de rapine que nous écrivons depuis des siècles !… son titre ?… L’arnaque planétaire… deux cent quatre-vingt-cinq mille volumes… imprimés sur voleur, pardon ! sur vélin !… nous y traitons notre sujet favori : la turpitude fiscale est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence paradisiaque nulle part… dois-je vous dépeindre les héros de cette épopée ?… les organismes bancaires contre lesquels séviraient les gouvernements… mais il n’y a pas là de quoi s’inquiéter… les informations qui seraient transmises d’un État à l’autre se perdraient dans les sables des plages lointaines où nous nous prélassons sur des matelas de billets de banque… le manque de transparence évoquerait celui des eaux insulaires où se noient les meilleures intentions…

Il fut un temps où nos esclaves aimaient l’esclavage… ils risquaient, s’ils venaient à ne plus l’aimer, que nous ne les aimions plus… ils se seraient fait tuer plutôt que de ne pas se rendre à nos raisons… d’ailleurs, nous les tuions quand ils ne s’y rendaient pas !…

Nous couvons le projet de soumettre six milliards d’humains, et il est peu d’exemple que l’on utilise avec autant d’adresse notre arme favorite, la dissimulation… les intrigues secrètes que nous formons nous donnent ces petits yeux de taupe qui creuse des galeries décelables au dehors par des monticules de mensonges… si nous poursuivons nos travaux à l’abri des regards, nos décisions produisent leurs effets au grand jour de la tyrannie… le revenu mondial augmente, le nombre d’indigents aussi… le chemin de la croissance mène les uns aux quartiers résidentiels, et les autres aux fosses communes… gardes-chiourmes du camp de concentration de capitaux !…

*

L’économie mondiale tourne de l’œil ?… les docteurs Knock-out et Lock-out lui prescrivent un traitement qui fait merveille… la privatisation !… la mer a crevé les digues ?… boom immobilier suit !… nous construisons nos écoles privées sur les ruines des écoles publiques… avec l’aide de l’État… les sinistrés se noient, les dollars inondent nos coffres-forts !… nous ne saurions trop regarder les choses par le bon côté de la vague… ne montez plus dans nos trains, ils risquent de dérailler !… un accident de chemin de fer peut arriver à tout le monde… et n’arrive jamais seul !… l’hôpital paupérisé, pardon ! privatisé où l’on vous admettra pourrait bien vous renvoyer, par wagon spécial, dans un tunnel dont vous ne sortiriez jamais… qu’importe, puisque vous aurez perdu votre emploi et ne serez plus d’aucune utilité… la panacée des docteurs Krach-out et Loquedu !… chômage, salaire laminé, personnel inexpérimenté ?… une fuite de gaz toxique ne peut nuire à la santé des actionnaires… au contraire !… moins nombreux sont les ouvriers d’usine, plus l’argent fructifie à la Bourse des tueurs !… vous ai-je assez répété que les travailleurs gênaient l’industrie !… je dirais même qu’ils la polluent… l’intérêt particulier contraire à l’intérêt général ?… et vous vous en offusquez ?… l’économie n’est pas faite pour servir les hommes, mon cher, mais pour s’en servir avec une sage économie… la liberté d’entreprendre d’un petit nombre entreprend sur la liberté du grand nombre… laisser faire quelques-uns, les laisser passer sur le corps de tous les autres…

Aboyez tant qu’il vous plaira, nous ne desserrerons pas la muselière… et si vous séquestrez les patrons, nous vous tiendrons en laisse par le pouvoir d’attache… les maîtres souffrent cruellement de la crise… on ne peut les rendre responsables des maux qui affligent le genre humain… qu’ils fassent leur miel de la souffrance, et tout sera pour le mielleux dans le miauleur des mondes… la porte blindée de leur bureau verrouillée à double tour, ils complotent au sous-sol… dans un bâtiment proche, les voyages d’une monnaie à l’autre forment la jeunesse des spéculateurs et accélèrent votre vieillissement…

Le marché libre nous laisse la liberté de marcher sur les travailleurs… pourquoi nous soucier de la sécurité sociale ?… libérez les prix !… bloquez les salaires !… cassez les syndicats !… la peste des dépenses publiques !… le moins d’État possible et le plus possible d’état prospère de nos finances !…

Nous n’obligeons personne à émigrer… la guerre et la dégradation de l’envirâlement ne doivent rien à nos manœuvres… il est injuste de nous imputer les épidémies dues à la famine… les arbres se dépouillent de leur feuillage ?… c’est l’usure des siècles !… la Terre a trop servi, voilà tout !… qui ne sait pas rejeter sur d’autres la responsabilité de ses méfaits ne sait pas exploiter…

Le plus dangereux ne serait-il pas que les réfugiés environnementaux nous environnent ?… encerclés par une meute de va-nu-pieds qui nous forceraient à rétablir la peine de mort, alors que la misère l’a déjà établie depuis belle disette… quant aux balles perdues, nous les retrouvons sans peine dans le corps des immigrants qui franchissent clandestinement nos frontières… nos multinationales les condamnent à l’exil… qui s’étonnerait de les voir en mauvais état, et sans logis ?… n’est-il pas naturel que la chasse aux étrangers se poursuive dans nos banlieues ?…

Si vous aviez vu Ronald Rusegang débiter son rôle. Un de nos plus grands acteurs !… n’est pas faux jeton qui veut !… il nous disait de la démocratie qu’elle était le problème… dont nous n’avions pas encore trouvé la clef… mais le moment viendrait qu’elle nous fût donnée… par des voyous de son espèce… Monsieur usait volontiers de formules archaïsantes… mœurs néoféodales obligent !… il regrettait que les États fussent les derniers remparts de l’intérêt public… à Walhalla Street, les capitaines au long cours l’idolâtraient… ils l’élevèrent sur le pavois !… sous les applaurugissements des traders !… des lions couchés à l’entrée !… qui se gorgent de sang !… se repaissent de carnage !… happent les barrières douanières d’un coup de gueule et les broient avec leurs dents !… se disputent les restes plus qu’à moitié pourris des humains !… menés au pressoir !… d’où sort un jus de viscères… les lois du marché prévaudront !… l’accumulation illimitée de capitaux décapitera les humains !… livrés en curée aux investisseurs !… sous la houlette éclairée et bienveillante des boucaniers, pardon ! des banquiers…

Plutôt effacer un pays de la carte qu’effacer son ardoise !… nous soulageons les malheureux… les délestons de leurs diamants !… de biens superflus !… d’objets qui les eussent encombrés !… tout à fait libres de vagabonder sur les routes… de traîner un passif comme on traîne la semelle…

Alecendres le Grand aux oubliettes !… jeté aux poubelles de l’histoire par les logiciels !… surpassé en hécatacombes, pardon ! en hécatombes par les technécrologies de l’information !… quel usage sensationnel eût pourtant fait des ordinateurs cet ambitieux sanguinaire… l’ouverture des marchés, la fermeture des sarcophages !… point n’eût été besoin à ce rapace d’encore franchir le Tigre et l’Euphrasques de jeunesse… ni d’occuper Persépouliche à grand renfort de cavalerie !… la vitesse de l’argent électronickel l’en eût dispensé… la guerre propre et silencieuse… plus de marches forcées à travers monts et déserts, mais des milliards en circulation sur les marchés !… oriflammes et gonfanons relégués au magasin des accessoires !… le déploiement des étendards éclipsé par la bulle financière !… ou comment les stratèges en chambre devinrent les apprentis sorciers en chambre forte… le Down Jones !… les missionnaires des dérivés portent la bonne parole et réduisent les peuples en esclavage… l’activité fébrile des colonels convertie en activité véreuse des courtiers !… intermaître gouverne les tribus nomades de flux spéculatifs !… conquiert les plus-values !… les avances et les replis des hordes barbares !… la rage des envahisseurs relayée par les sautes d’humeur d’Attila Street !… les armes sont journalières… les hausses et les baisses des cours aussi… elles épargnent aux tyrans le passage des cols enneigés… quel butin n’ont-ils pas amassé dans le commerce électroniqué !… dans les réseaux de communication où se prend la clientèle… quant au pillage de l’Afric ou de l’Amozonie tombées sous leur domination… c’est le vol des plantes et animaux !… la mise à sac du défiguré-monde !… les raids de traders sur la Bourse de New Destruction !… grâce aux qualités guerrières des nouvelles oligarchies… le verdict du marché est celui de l’histoire !… la mort par radiations financières infinies… à la faveur de la nuit où nous plongent les longs couteaux virtuels…

*

La faillite d’un système ?… vous exagérez !… il ne s’agit que d’une petite crise financière dont le souvenir se perd déjà dans les sables des paradis fiscaux… ce fut un mauvais moment à passer… un incident fortuit !… un accident de parcours !… une erreur de jaunisse !… suite aux extravagances bulleuses de casinotiers irresponsables… mais point de catastrophisme apocalyptique… recommençons sur de nouveaux frais !… In Economystification We Trust !… si la nouvelle pauvreté s’étend sur toute la terre, du moins a-t-elle le mérite d’être nouvelle… aucun tunnel n’empêchera plus le train des affaires de rouler jusqu’au déraillement final…

Tout est pour le mieux dans le milliardaire des mondes !… les ressources naturelles diminuent, les ressources illicites augmentent… la mondialisation mène le bal des chômeurs ?… vous admettrez sans peine que l’orchestre ne puisse s’arrêter de jouer au beau milieu d’une valse… au fait, à quelle crise faites-vous allusion ?… le meilleur moyen de résoudre un problème n’est-il pas d’en nier l’existence ?… les faussaires en savent long sur ce sujet… bon escroc ne peut mentir, puisqu’il ment par nature…

Je n’entends pas dénoncer les imposteurs… je désespérerais d’y parvenir… leurs discours mensongers ne le deviennent qu’en de rares moments où la vérité se manifeste !… réformer le système monétaire et financier dont ils sont les premiers bénéficiaires ?… ils ne peuvent envisager sans frémir une chose pareille… point n’a d’ailleurs été besoin d’une crise pour que les pays pauvres renflouent les pays riches… l’esclavage ordinaire y suffisait…

Les prêts à risque font courir des risques à ceux qui les prennent… comme l’eût dit Monsieur de La Panique !… bien au chaud dans nos banques, nous jetons un froid au dehors, et nous réchauffons aux derniers feux des États… la ruine des uns préserve les autres de la ruine !… une croissance fondée sur la décroissance de l’emploi assure la croissance de la tyrannie !… engagés sur un terrain instable où les éruptions volcaniques vous menacent à chaque instant, empruntez et consommez à outrance, il en restera toujours quelques scories…

L’éclatement de la bulle immobilière a jeté les meubles par la fenêtre !… et parfois les habitants… les effets du crédit apothicaire !… la hausse des taux d’intérêt, la baisse du prix des maisons… les fonds de pension envoyés par le fond, les États ont remis les navires à flot… la lorgnette braquée sur l’horizon… avant le prochain naufrage !… c’est comme la poule aux œufs d’or de Christophe Coulé !… il fallait y penser !… sans omettre, cela bas de soie, que la crise est l’occasion inespérée de réduire les impôts des nantis…

Où s’arrêtera l’intolérance ?…ira-t-elle jusqu’à autoriser une régulation mondiale ?… qui oserait prétendre que les lois garantissent les libertés, si on ne laisse pas chacun agir à sa guise ?… nos manœuvres témoignent d’une indépendance toute moderne… que fait-on du droit des combinards à l’innovation ?… au vol et à l’escroquerie ?… tandis que la façade de la maison-monde s’affaisse sur elle-même… et s’écroule sur l’économie… nous envisageons d’organiser une tournée internationale de concerts où des millions de spectres écouteraient le dernier soupir de l’environnement… la City de Lonces et Wall Krack lancent de nouveaux produits toxiques sur le marché !… en route pour la déroute !… aucun scénario n’est à exclure, y compris celui qui exclurait définitivement tout scénario…

Les coups de feu tirés par des malfrats dans une banque ne sont que poudre aux yeux pour presse à sensations en regard des coups donnés par les banques à des sociétés entières… mieux que tous les hold-up réunis, les hold-up de capitaux en fuite !… quant aux politiques d’injustement du Front Militaire International… victory games !… le néolibéralisme conduit les humains jusqu’à leur dernière demeure…

Plus nous étudions le sort des pauvres, plus ils se multiplient… c’est à croire qu’ils prolifèrent en vue d’encourager nos recherches !… nous devons bien

accumuler des masses d’informations si nous voulons légitimer notre activité… surtout quand elle n’est pas suivie d’effets !… qu’attend-on pour publier un rapport mondial sur nos investigations, et pour lui donner la plus grande publicité possible ?… les moins fortunés assurent le développement de notre fortune médiatique !… et si vous désirez en savoir plus, adressez-vous à la Planque mondiale… ses conférences dans les palaces font palace nette à toute intervention sur le terrain !… quelques nouvelles tronquées de ce qui se passe très loin de ses bureaux l’autorisent à fermer les yeux sur les pires exactions… la faim cause la mortalité infantile, et la mortalité infantile réduit les causes de famine !… c’est comme la disette de Colomtropophage, il fallait y trépasser !…

Une créance douteuse peut en cacher une autre, à cela près qu’elle trahit le caractère illicite de nos spéculations… où irait le monde, si l’on ne pouvait plus escroquer tout le monde ?… nous revendons nos créances à d’autres, qui les revendent à d’autres, et ainsi de fuite jusqu’à̀ la ruine… la tour de Babelbanque est près de s’écrouler… les fonds d’investissement ont coulé à pic… les valeurs ne garantissent plus que la profondeur des abysses où elles se perdent…

Le dégonflement de la bulle crève les pneus sur les routes de l’emploi !… des bandes armées d’ordinateurs précipitent la débandade des marchés !… tant va le dollar aux opérations désastreuses qu’à la fin il se déchire !… il ne fallait pas jouer avec le feu… les salariés l’entretenaient, et les flammes éteintes leur ont laissé un goût de cendres dans la bouche… il pourrait leur prendre la fantaisie de souffler sur les tisons au pied des murs de Voyou Street…

Ça carbure ferme dans la consommation en carburant !… pêcheurs et camionneurs manifestent !… il est à croire qu’ils nous imputent tous les chocs pétroliers de la planète !… ces pétroleurs portent à la légère des accusations injustifiées… ils sollicitent leurs gouvernements… ils font bien !… ils les ont élus !… les États doivent s’effacer quand ils gênent nos intérêts, et secourir les citoyens quand nous réduisons ceux-ci à la gêne… et si les banques sont saisies de panique devant une crise de liquidités, que les contribuvables en supportent les frais !…

Leur projet de taxe Bobard, pardon ! de taxe Bobin sur les transactions commence à nous énerver !… les mesures de rationnement du canard à l’orage troublent notre digestion, et ces gens ne cessent de critiquer les pains bénis fiscaux !… à moins qu’ils ne nous chantent l’éternelle rengaine des accidents du travail… deux cent soixante-dix millions de salariés en sont victimes chaque année dans le monde… à qui la faute ?… on ne fait pas d’omelettes sans casser des hommes !… quant aux maladies professionnelles des esclaves à la chaîne… cent soixante millions par an !… ce ne sont pas les bonus, je vous demande pardon, les bonnes nouvelles qui manquent… les cadres des entreprises reçoivent des crimes, veuillez m’excuser ! des primes considérables… et d’aucuns les accusent d’être irresponsables !… quelle ingratitude à l’égard des messies de la nouvelle nécronomie !…

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