Jeune travailleur intellectuel transylvanien
(nommé Virgile) de haute taille avec un visage
mince un grand nez des yeux sombres une bouche
étroite et de longues dents serrées mais souriantes
après avoir fait le tour du musée
nous sommes allés descendant la rue
jusqu’à la rivière bruyante et sale
et de l’autre côté du pont d’un pas
rapide nous avons gravi les marches
d’un escalier qui va où une croix
affreuse de béton se dresse pour
commémorer la mort des grands héros
(en passant nous avons vu un enfant
tremper dans une flaque un torchon noir
le tordre pour s’en essuyer les mains)
et gravissant toujours par un chemin
plein de cailloux brutal et d’eau sordide
nous arrivâmes au sommet de la colline
d’où l’on voit toute la ville s’étendre
nous avons regardé le paysage
d’un œil navré parce que nous savions
la pauvreté qui régnait à nos pieds
(tu as commencé à me raconter
ton existence rongée par l’espoir
ta sensibilité pour la lumière
ton travail si intense et puis comment
tu tombes sous un coup d’épuisement :
moi je n’étais là que pour t’écouter
recevoir l’épanchement de ta vie
et il me semblait entendre des choses
déjà entendues il y a trente ans
de la bouche de jeunes comme toi
remplis de foi dans l’avenir
alors que leur vie n’est au jour le jour
qu’une astreinte très fatigante et morne)
nous sommes redescendus dans la ville
où les autos passaient en soulevant
la boue séchée je t’ai vu me sourire
en partant (quand je me suis retourné
pour te revoir tu allais l’œil froncé
absorbé par ton espoir magnifique)
le jour était splendide le soleil
rayonnait sur la terre les oiseaux
chantaient les vieilles s’asseyaient dehors
pour se chauffer les gens endimanchés
fleurissaient les tombes du cimetière
toi tu marchais vers ta belle carrière
moi je vaguais au hasard n’importe où