Au pays bicolore où j’ai plongé racine

Ita Gassel,

Mi partie coq et lion d’où vient ce pays double

Portant sa double langue à deux sangs différents

Forgeant sa double dague et traversant les troubles

Et traversant l’histoire aux pas double des chants

 

Dragon médiéval toison de haute lisse

D’écaille rude et d’or de pierre dentelée

Mariant l’épopée des bourgeoises milices

Aux fruits toujours nouveaux du travail ouvrier

 

Tapis tramé d’un seul tenant

Neuf millions d’hommes y font la paire

Patrie étrange à deux battants

Ombre et lumière

Arbre et rivière

Poisson de pierre

Toison de lierre

 

Tu t’ouvres et j’entends sous le vent

D’herbes sauvages à tes frontières

Chanson de France et mots flamands

 

Patrie complexe et difficile comme un nœud

Arrimant les miroirs de Flandre et de Wallonie

D’aucuns nés de ta chair n’y ont vu que du feu

Ils vont quérir ailleurs la flamme et l’harmonie

 

Et pourtant moi j’ai vu dont le sang vient d’ailleurs

Ce cœur vivant battre le pouls du monde immense

Et refléter l’image à ses propres couleurs

Fumante usine à façonner l’air en errance

 

C’est le peuple aux mains d’or en son pierreux navire

Constructeur de l’église et du libre Beffroi

Miroir d’acier poli mémoire qui se mire

Bâtisseurs de beautés dans l’ombre et dans le froid

 

J’ai vu dans ce miroir s’élever le carême

Et sur le double flanc l’amas des fruits de mer

L’entrelacs vert des algues une ombre de sirène

L’huître et l’oursin dentelle étrange histoire amère

 

Ogive dorée de corail

Cruelle histoire et merveilleuse

Méduse ornée couleur d’émail

Communier creuse

L’arche glorieuse

Grappes fouillées de fins détails

Longue arabesque lumineuse

Et pure comme un réseau de rails

 

Et me voici rangé parmi tes coquillages

Parmi tes plans marins ruraux et citadins

J’ajoute mes couleurs à tes autres feuillages

 

Et colore la nuit d’un éclair homérique

Et tresse à nos combats cet échos de métal

Quand forge et laminoir flamboient dans l’ombre épique

Partager