Il a dit : « Je viendrai te prendre à huit heures. » Elle a préparé un sac léger pour une journée et rangé ses médications dans une boîte scellée à déposer à la pharmacie. Elle a composé le message d’absence du répondeur automatique, il lui plaît bien. Le lit a été refait, comme avant des vacances qui se prolongeraient un peu. Elle a une boule à l’estomac, elle l’a toujours eue avant ses examens ou ses rendez-vous d’importance. Des examens, elle en a subi une bonne centaine ces quatre dernières années, et les annonces, et les traitements. Fin de partie.
Hier j’ai eu cinquante-huit ans. Même pas peur, plus rien à perdre. Vidée par le bistouri, les perfusions, les radiations, la chimie. Saoulée de bonnes paroles, de pensée positive, d’annonces de guérison aussitôt suivies de démentis. J’ai croisé des médecins, des infirmières, des psychologues, des clowns d’hôpitaux, des bénévoles, des conseillers laïques et des aumôniers, la maladie ça rassemble du monde. La nausée. Ce soir je me promène en bord de mer, ma vie se décline dans cette frange d’écume sale que la vague bave sur la plage, déchets marins et domestiques mêlés : coquilles, préservatifs, bas nylon, algues, oursins. Ce qui reste d’une existence naufragée. Lire la suite