Je suis arrivé au Rosetta Camping lors d’une rude nuit d’hiver. Il fait gris, plafond bas et humide. Bruxelles l’étourdie aux pavés gras, noirs et luisants, torture mon humeur et chiffonne ma peau. J’ai installé mon Chevy Van déglingué au beau milieu du terrain, juste à côté de la tente berbère des Zoubidas. Mon moteur est à bout. Il claque, il raque, il fume et pue l’huile brûlée. Je ne pourrai jamais repartir. Il fait froid. J’ai froid. Même à l’intérieur de mon bahut américain, je caille. Mon frigo ne fonctionne plus. J’y prends une grande Jupiler. Et très vite une deuxième, une troisième… jusqu’à ce que je m’écroule sur mon matelas. Je fume deux paquets de tabac cette nuit-là. Lire la suite


À l’instar des tours de San Gimignano érigées au XIIe siècle ou la « Trump Tower » à notre époque, les riches vivent dans la verticalité de puissants phallus dorés, quant aux pauvres, ils gisent sur l’horizontalité du sol boueux ou aride, de la neige, ou du bitume fissuré.

 

Nicole, bénévole dépressive du Samu social, m’a ramassé au pied de la plus haute tour du monde, où chaque terrasse abrite une piscine. Ivre mort, je raclais le sol de mes incisives. Elle m’a transporté au camping Rosetta qui s’étale juste à quelques mètres de la « Goldman Sucks Tower », là où traînent les tamponnés de la vie. Du haut de la tour, les habitants sirotent des cocktails en regardant les ratés ramper dans la fange. Leurs enfants font des concours de crachats en leur direction. Lire la suite


Je ne vois que mes pattes d’eph et mes bottes en faux croco blinquantes. Ces dernières martèlent le sol avec la fierté invincible de la jeunesse. J’ai de la peine à les suivre. La musique des Bee Gees scande mes pas. Ils sont enjoués comme le disco. Le solo de guitare s’emballe. Moi aussi. J’arrive à la place De Brouckère. Je ne suis plus qu’à quelques mètres de L’Eldorado. C’est LE jour de ma vie. Du haut de mes quinze ans, je vais visionner Saturday night fever.

Sébastien m’attend dans la salle africaine. Je l’embrasse dans le cou. Je ne regarde même pas si quelqu’un nous observe. Je m’en contrefous. C’est notre instant de grâce. Je le sais. Rien ne peut nous arriver.

Personne ne pourra plus nous empêcher de voler la Mustang rouge 69 de son père et de rouler la nuit à fond la caisse sur les routes de campagne. Personne ne pourra plus nous empêcher de tirer à coups de flingue sur les fantômes de nos nuits. Personne ne pourra plus nous empêcher de taffer nos joints et de nous enlacer toute la nuit en buvant de la vodka. Lire la suite