J’arrivais aux abords du « Canada » quand maman m’a doucement tapé sur l’épaule. Je n’ai même pas sursauté. J’ai l’habitude qu’elle survienne comme ça, pour m’appeler à table ou pour me demander un truc. Mais là, j’ai senti à la pression de sa main qu’elle ne cherchait pas à attirer mon attention pour un motif sans importance. J’ai retiré le casque antibruit, je me suis levé en déconnectant mon activité avec la manette de contrôle, sans quitter l’écran des yeux. Elle est restée debout à côté de moi sans un mot, elle d’habitude si bavarde. Je me suis tourné vers elle une fois que tout a été coupé. Elle m’a demandé d’une voix que je ne lui connaissais pas encore : « Tu faisais quoi ? » « Mon devoir, pour le cours de philo-cit-éthique ». On est sortis ensemble de la chambre. « Il faudrait que tu ouvres un peu les tentures. » « Hmm… J’aime bien comme ça. » En arrivant dans la cuisine, elle s’est retournée, me barrant l’accès au frigo, et j’ai remarqué ses joues rougies, son visage gonflé, les larmes essuyées à la va-vite. « C’est Mamy » a-t-elle pu encore souffler avant que ses traits se décomposent. Je l’ai prise dans mes bras. Je ne savais pas ce que je ressentais au juste, si je ressentais vraiment quelque chose. Je l’aimais bien Mamy, elle allait me manquer terriblement. Et en même temps, je ne sais pas… La peine, c’est déjà difficile de faire semblant quand on n’en a pas, mais plus encore d’en avoir vraiment. Lire la suite