Il s’était promis de reprendre la lecture du roman aussitôt installé dans le train. Il l’avait commencée la veille, peu après les informations sportives de vingt-trois heures, et en avait été bouleversé. Ces derniers temps, probablement en raison du surmenage que lui causaient ses nouvelles responsabilités professionnelles, il ne parvenait pas à lire plus de deux ou trois pages successives avant de sentir ses paupières s’alourdir. Il s’était pourtant laissé prendre par la densité des personnages, par leur parcours familial peu ordinaire. Mais le sommeil était un adversaire coriace et, cette fois encore, il n’avait pu faire autrement que de capituler. Il s’agissait d’un texte d’anticipation, dont la trame narrative était située dans une des nombreuses capitales européennes en proie aux troubles et aux agitations sociales. « Tu dois absolument le lire », lui avaient dit ses collègues. « Le monde est tombé sur sa tête. Nous devons nous réveiller. » L’auteur était un vieil intellectuel, une sorte d’autorité morale que chacun respectait pour ses prises de position tranchées, ses dénonciations franches et directes, sa volonté de secouer les consciences. Lire la suite