Le coup de canon

Boum ! Vous pouvez régler votre montre : il est neuf heures précises et, de la forteresse de San Carlos de la Cabana, au nord du chenal portuaire, le canon historique El Capitolino tire une salve violente qui ébranle la ville et le monde. Les légendaires portes de la cité de La Havane se referment. Du haut de la forteresse, les soldats en uniforme du XVIIIe siècle embrassent du regard… la ville qui s’éveille.

La nuit jette une poignée de perles le long du Malecon, s’insinue dans les ruelles de la vieille ville, enjambe les ombres monumentales du Vedado, au rythme exubérant de la salsa et de la santerfa, avec ses tambours mystérieux et ses incantations africaines.

Choisissez vos points de repère, les rondeurs du corps lascif de la ville : les coupoles de la Lonja del Comercio et du Capitolio, droit devant vous ; à l’arrière-plan, le viril obélisque de Marti, sur la Plaza de la Revolución ; à droite, l’Hotel Nacional, tel un vaisseau de rêve par lune montante. Le jour, encore laiteux il y a un instant à peine, prend les couleurs et le regard vif et profond d’une mulâtresse à la peau sombre. Sur votre droite, à l’entrée du port, le phare d’El Moro adresse un signe d’espoir aux âmes englouties et à la mer infinie.

Bienvenue ! Je suis Cuba et je suis la Nuit. Je vis au milieu des slogans et des dollars, dans le sucre et l’or, entre rêves sublimes et chiffres réalistes. Je suis le bouge du dernier film de pirates. Toute la richesse des colonies espagnoles est passée entre mes mains. Je suis un métis heureux, un spéculateur corrompu, un idéaliste utopiste. Je triomphe de l’Histoire et de la pesanteur. Je danse. Je provoque. Yo no soy como nadie, je ne ressemble à personne. Tant que je danserai, le monde tournera. Lire la suite