Cela faisait trois jours que nous avions quitté ce petit port qui préférait regarder en face les eaux douces qui venaient se perdre dans l’océan salin. J’avais beau chercher, je ne parvenais pas à m’expliquer la raison profonde de ce voyage. La relecture de Conrad ou la énième vision du périple du capitaine Willard en vue de mettre fin au commandement du colonel Kurtz n’étaient que des prétextes littéraires fumeux.

Il y avait aussi ce voyage de jeunesse au Brésil où je m’étais imaginé en Lévi-Strauss. Je n’avais pas réussi à m’éloigner de Sao Paulo ! À septante-sept ans, l’achèvement de mes rêves de jeunesse m’avait toujours paru pathétique. Il devait certainement y avoir autre chose. Lire la suite


29 juin 1976 : J’ignorais que des otages étaient retenus dans un avion israélien sur l’aéroport d’Entebbe par des fedayin palestiniens.

29 juin 1976 : J’ignorais que la Commission européenne avait décidé de subventionner les agriculteurs touchés par une sécheresse exceptionnelle.

29 juin 1976 : J’ignorais qu’Eddy Merckx n’avait plus qu’une courte fin de carrière devant lui.

29 juin 2011 : Je sais que deux journalistes français sont retenus en Afghanistan par des talibans. Lire la suite


Lorsque Marc remonta l’avenue de Cortenbergh vide, il passa sa main dans la crinière de son cheval pour l’apaiser. Il faut dire que le passage du barrage des Casques bleus l’avait un peu rendu nerveux. Cette voie à trois bandes lui avait toujours paru aussi étroite qu’un compromis politique du temps où il patientait une heure le matin, pare-chocs contre pare-chocs, dans ce qui était la porte d’entrée du quartier européen. Pourtant, maintenant, elle lui semblait aussi large et dégagée que la situation actuelle. De longues lianes avaient poussé du haut des façades. Elles masquaient les immeubles comme pour faire oublier ce qui était arrivé.

Le bruit des sabots, presque étouffé, dans ce long couloir vert, résonnait longuement, sans complainte. Marc, bien qu’aguerri par un entraînement dur et sérieux à la Brigade de sécurité, avait une préférence pour ces tours de garde, seul, dans Bruxelles. La mélancolie lui était généralement un sentiment étranger mais, dans cette ville qu’il connaissait bien et où il avait grandi, ce moment de solitude lui faisait toujours quelque chose. Ce calme, cette familiarité fantomatique, le rassuraient. Lire la suite