Y a-t-il de la saveur dans le blanc d’un œuf ?
Livre de Job
Autour du visage, il y avait la rumeur des syllabes que suscitait dans l’imagination le susurrement distant des arbres dans la forêt et le lointain bouillonnement des eaux. A-ma-zo-ne. L’enfant sortait de la maison par les oreilles et prenait pied dans le monde inconnu. Ses yeux songeurs percevaient à peine la dimension restreinte de la chambre et de la salle où il était transporté par la femme de ménage, une matrone noire, et la dimension limitée du jardin et du verger aux arbres fruitiers. Ses oreilles se portaient au-delà des fenêtres et des portes, au-delà du portail fermé de la maison pour voyager pendant des kilomètres et des kilomètres. Elles percevaient la résonance végétale et aquatique de l’Amazone qui, dépourvue d’image régulatrice, s’échappait de ses mains sales, comme la poignée de terre émiettée avec laquelle il jouait sous les yeux de sa nounou, ou s’écoulait de ses mains à nouveau propres, comme de l’eau qui se précipite toute savonneuse dans le siphon du lavabo. L’enfant grandissait dans chaque syllabe répétée de la formule « amazone ». Elles réjouissaient son esprit itinérant et rusé sans lui donner le droit d’acquérir un billet d’entrée dans cet espace dont, pourtant, le père chantait les louanges comme grenier de l’humanité. Lire la suite