Fonds indiciels cotés

Jörg Pelzer,

Les naïfs qui espéraient que la Crise entraînerait un redressement de la moralité bancaire en resteront pour leurs frais. Que dans un premier temps les auteurs de ladite crise n’entendaient nullement renoncer à leurs bonus, cette fois pris sur les milliards des paquets de sauvetage ficelés par les États et à rembourser par le contribuable, en constitue une première preuve. Les nouveaux produits financiers qu’ils proposent à leur clientèle en apportent d’autres. C’est reparti comme si de rien n’avait été !

Voilà que lors d’une entrevue récente, mon interlocuteur à la banque — tout dévoué au bon usage des économies décimées de son client — recommande un placement « Tracker », ou fonds indiciel coté. Il m’invite à lui confier 50 000 euros durant deux ans, me promet de les rémunérer à 14 % par an et de me les rendre à l’échéance, à condition que l’indice d’un panier de produits pétroliers ne passe pas en dessous de celui du jour de souscription. « À 40 dollars le baril aujourd’hui, ça ne peut que monter. » Je grommelle « Pas certain » et attends la suite. « Évidemment, si l’indice devait baisser, il n’y aurait pas de rémunération. Mais on garantit 50 % du capital investi à l’échéance. » Par simple curiosité, je demande si la banque place mes précieux sous dans ledit panier de produits pétroliers. « Pas du tout. Nous investissons dans des bons du Trésor et nous échangeons leur performance contre celle du Tracker. Nous appelons cela la réplication synthétique. L’indice fluctue avec le prix des produits, mais nous évitons tout risque de livraison physique. » Je peux donc chasser de mon esprit l’image d’un superpétrolier en rade de Cannes, transférant sa cargaison dans la cave de mon agence bancaire. « Désolé, mais c’est contre ma religion. » L’irrationalité même de ma conclusion coupe court à toute insistance et nous en restons là.

Peu après je tombe sur un article du Figaro Patrimoine, où l’expert J. A. recommande vivement les Trackers comme meilleure façon d’investir sur le pétrole, et ce au moindre risque. Ceci m’a conduit à quelques réflexions que je vous livre avec d’autant plus de plaisir qu’elles me permettent de vous proposer un Tracker bien plus performant que celui de ma banque.

Voici comment fonctionne le TAMCM Fonds (Triple-A Monte-Carlo-Martingale Fonds).

Le minimum d’entrée est modeste, je me contente de 150 euros, plus 10 % de frais, ainsi que de 5 euros d’assurance, soit un total de 170 euros. C’est la table de roulette numéro 3 du Casino de Monte Carlo qui servira de Tracker. Je fais l’impasse sur la réplication synthétique et irai personnellement miser l’argent des investisseurs. À chaque coup, 100 euros seront placés sur le rouge et 50 euros sur le noir. La prime d’assurance de 5 euros ira sur le zéro. Rien ne va plus. Cliquetis caractéristique de la bille qui tombe, après quoi, trois possibilités :

Le rouge sort. L’investisseur touche 200 euros pour un investissement de 170 euros, soit un rendement de 17,65 %.

Le noir sort. L’investisseur récupère 100 euros, soit 58,82 % de son investissement, ce qui est tout de même un peu mieux que la moitié que me garantirait la banque.

Le zéro sort. C’est le cauchemar des croupiers, car comme ils doivent ratisser tous les jetons du tapis — sauf ceux placés sur le Zéro — il n’y aura guère de gagnants et donc pas de pourboires pour les employés. Mais j’y ai misé vos 5 euros d’assurance, qui gagnent le plein et sont donc multipliés par 36. On vous rend 180 euros, ce qui fait encore un rendement de 5,88 %.

Les performances du TAMCM Fonds sont d’autant plus appréciables qu’il ne faudra pas attendre deux ans. Les comptes sont soldés dès le lendemain, avant l’heure du déjeuner.

Mesdames, Messieurs, faites vos jeux.

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