Tout commence ici

par des bruits d’enfance

remontant l’escalier

pendant notre sommeil

 

Ils reviennent au soir

les poings bleuis

à force d’avoir frappé

la neige entre les yeux

 

les chemins de l’école

sont les plus beaux retours

Petit au jour le jour

vivant dans l’entrevu

dans l’éclair du passage

d’un oiseau sur le ciel

On marque de ses ongles

les cuisses des géants

espaliers du bonheur

vers lequel tout grandit

On arrose de larmes

le haricot magique

 

Un théâtre chinois

que la nuit met en place

les ombres de chevet

s’affrontent sur le mur

 

La main le loup deux doigts les fées

l’index du chasseur tient en joue

les menaces de la forêt

Une voix parfume l’orée des chambres

 

Maman nous met au lit

Papa couche le soleil

 

On ne perd rien Pas une miette

Le souvenir haché menu

dans les griffes du Chat Botté

nourrit plusieurs tables d’années

À force de persévérance

si le bûcheron parvient enfin

par la faim par le feu pour du pain ou par jeu

à perdre sept fois l’enfance

l’ogre aura quitté son château

et rétamé les bottes fées

 

C’est à la promenade

qu’on rencontre le vent

les chênes les chevaux

le cèpe et l’arc-en-ciel

 

On flâne à la file indienne

sur le sentier de la guerre

Désinvoltes quelques oncles

lancent des signaux de fumée

 

Les mamans vont devant

dans leur robe de bal

 

Tout s’achève par des jeux

les peluches ventriloques

mélangent dans leur haleine

la vanille du sommeil

Il chuchote par les fenêtres

qu’il ouvre la nuit « Ne dors pas ! »

il se voile, tournoie, vole

léger comme la boutique aux rêves

Le jour se noie dans

l’œil du marchand de sable

 

Le prince s’appelle Aujourd’hui

il solde ses armées de plomb

La princesse prendra le train

Rendez-vous ensemble à Paris

 

On disait que tu étais Belle

Cache-cache parmi les pages

aux quatre choix aux quatre coins

du domaine les mots se sont tus

 

Potons pour savoir qui de nous

– un deux trois – ne grandira pas

 

Camarade sans malice

large d’épaules et de cœur

les jeux sont faits à l’avance

les devoirs sur les genoux

Douze saisons faire route ensemble

ton cartable sur mon vélo

mais la vie nous connaît mieux

l’avenir marche droit, suspend déjà

ces quelques gestes solidaires

qui se décharnent avant l’âge

 

La nuit, ses champs d’étoiles filantes

et sa robe en feux d’artifice

puis l’impudence du sommeil

qui réclame la fin des fêtes

 

Quelqu’un me tient la main. Les yeux

reflètent des couleurs lointaines

un univers perdu peut-être

derrière le ciel qui scintille

 

L’enfance est là Comme la feuille

qui rêve le vent qui l’emporte

 

Colin-maillard ou jean-qui-rit

dans la maison aux araignées

on danse sous des chapeaux de paille

on se cogne à des murs en fleurs

Frère pêcheur, quand iras-tu

sur ta moto bleue comme le jour

avec la force que je te prête

serrée dans ton fameux poing gauche

débusquer l’animal marin

qui gobe toutes les promesses ?

 

Avant, une vie en trompe-l’œil

une musique d’ameublement

des oiseaux nés de livres d’images

méticuleusement bariolés

 

Puis, papa me tient aux épaules

il assure sa prise

là où ça ne fait pas mal

me pousse et nous forçons la foule

 

Il ouvre le monde

et il me fait entrer

 

Les voici debout dans l’été

maman qui regarde la pluie

le regard de maman qui verse

une eau bleue au moulin des jours

le jardin bourdonne d’insectes

le chat pelote contre mes jambes

un reflet gêne ma lecture

je vais relire la même page

qui dit les retours où se brise

l’équilibre des cils et des songes

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