Verhaeren à Rouen

Will Stone,

Ils avaient quitté la conférence de très bonne humeur.

Il fit ses salutations et un saut dans une confiserie

Pour y acheter des friandises au citron.

Ceux qui l’avaient accueilli le virent

Descendre les escaliers de fer de la gare.

Ils ne pouvaient pas se rendre

Jusqu’aux quais enfumés où,

Comme le dernier train pour la Belgique entrait à grand fracas,

La multitude se précipitait vers les wagons.

C’est alors que le frêle poète fut bousculé,

Et en panique tenta de monter dans la voiture 7607,

Mais comme le train roulait toujours, il s’y prit mal

Et ne battant que l’air s’effondra

Entre le wagon suivant et le quai,

Sous les roues qui sans cérémonie

Lui tranchèrent les jambes juste au-dessus des mollets.

Ils le hissèrent mais en vain,

Il gisait là, perdant son sang, s’éteignant vite.

Comme la foule se pressait, les plus proches l’entendirent

Dire ces mots dans un murmure…

« Je meurs, ma femme, ma patrie ! »

Puis, quittant son vaste estuaire de poésie

Qui scintillait plaisamment très loin en aval, il soupira

Et s’écoula calmement dans l’océan.

Alerté, le chef de gare s’en vint, courant,

Mais pour lors la victime était partie.

Dans sa poche de poitrine quelqu’un trouva, intact,

Le cadeau de dernière minute pour Marthe,

Les bonbons au citron.

Traduit de l’anglais par Jacques De Decker

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