Une nuit à l’hôtel

Une nuit j’étais à l’hôtel

puis je me réveillai.

Debout. Trois pas.

J’appuie sur l’interrupteur

et la lumière entre dans mes yeux.

Rien sous le lit

Rien pour me tirer par les pieds

ou m’étrangler

Rien pour m’arracher le prépuce

ou me peler les bras

Rien pour que je doive rester ainsi

hors du lit

et risquer de prendre froid.

Même nuit même hôtel

je me re-réveillai.

Debout. Tendre le bras.

L’interrupteur est là

et la lumière au rendez-vous.

Recouchons-nous, me dis-je.

Troisième fois.

Se redresser.

Mon nez frôle l’interrupteur.

La lumière. Clac !

Décidément, cet interrupteur me colle

d’un peu trop

près.

Il était temps de réagir :

je descends à la réception

sonne sonne

« Que puis-je pour vous Monsieur ?

— Serait-il possible de boire encore quelque chose à cette heure ?

— À cette heure, monsieur ferait mieux d’être au lit.

— J’aimerais bien mais ma chambre rétrécit.

À l’heure qu’il est, l’interrupteur doit déjà toucher l’oreiller

et les murs ont probablement déjà broyé les trois quarts de mes bagages.

— Est-ce une raison pour ne pas dormir ?

— Je le crains, oui. »

On fit appeler une serveuse

qui vint

en peignoir

de soie rose.

« La serveuse est jolie, dis-je.

— Comme peut l’être une serveuse.

— Non, vous ne me comprenez pas ;

je veux dire qu’elle est vraiment jolie. »

Le réceptionniste eut un sourire désagréable :

« Mademoiselle ira vous border, si vous le souhaitez. »

Elle me borda, en effet.

La chambre n’était plus si petite,

elle resta.

La fin de la nuit se passa sans heurts.

Mais bientôt l’aube se lèverait

et la vérité avec elle :

je serais bien forcé d’ouvrir les mains,

il faudrait bien finalement que je les ouvre

pour lacer mes chaussures

ou fermer mes boutons de manchette.

Il faudra bien que je les ouvre

et l’on verra dedans

la chambre toute petite

avec moi sur le lit

et elle

qui bouge à peine.

 

Incurable

Quelle étrange habitude :

se frotter des demi-abricots sous l’aisselle…

Nous le lui avons répété mille fois :

« Ne joue pas avec ce que tu ne peux maîtriser. »

Mais elle prétend détenir quelque parcelle de science.

Elle se moque.

Un soir, elle a ramené ici une pauvre bête

trouvée sur la route

le poil lisse et tombant.

Nous pensions qu’il pouvait être dangereux.

Elle l’adorait.

Quand elle se mit à tousser

et cracher le sang de plus en plus fréquemment,

nous avons tout de suite soupçonné l’animal.

Nous avons attendu le crépuscule.

Le lendemain, elle l’a cherché,

ne se rendant même pas en classe

et pleurant énormément.

Mes frères et moi étions déchirés par ce spectacle de misère.

Nous nous sommes regardés

et avons commencé à nous haïr,

cherchant celui qui serait le plus coupable,

désapprouvant chez chacun

ce que nous avions pourtant décidé d’un commun accord.

Comment nous étions-nous laissé entraîner dans cette farce ?

Voilà ce que nous nous demandions,

chacun pour soi.

Aujourd’hui,

bien qu’incurable,

elle est encore en vie,

se préoccupant d’esthétique et d’écologie.

Nous ne la comprenons pas mieux qu’hier.

Nous la voyons jouer à nos pieds

et nous nous préparons à ce qu’elle nous enlève à son tour

ce que nous avons de plus cher.

Nous serrons les poings, comme des hommes.

 

La vieille qui met sa télé à fond

La vieille prétend que j’active

d’infernales machines

qui la font frissonner

de peur

et d’insomnies.

Son visage alors

– prétend-elle –

devient rouge

de moitié.

Moitié de rouge moitié de blanc.

Elle dit tout cela avec des yeux

qui roulent

comme des billes folles

dans une boîte.

La vieille m’a fait appeler

tout à l’heure

par le parlophone

et me voilà donc descendu

pour l’entendre

me conter ses lubies.

Il s’agit alternativement

de machines

ou de grattements suspects

dans les caves.

C’est moi qu’elle appelle.

Parmi tous les gens de l’immeuble,

seulement moi.

Elle me raconte.

Je suis son préféré.

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