À la lumière des larmes ! Au commencement

Alain Suied,

I

Soudain tu vois que tes mains

saignent et tu sais

que l’ange t’a lancé un défi

Trop tard !

Tu as déjà perdu.

Tu n’as pas deviné sa présence.

Tu n’as pas entendu son appel.

Et déjà

il est reparti.

Tu vivras dans le manque

Tu vivras dans la fragilité.

Tu tendras en vain les mains.

Tu lèveras en vain les yeux.

L’ange te précède

jusque dans les cicatrices.

II

L’ange de l’épreuve

brûle d’abord nos yeux

avant d’ouvrir un chemin

inconnu de nous.

Oseras-tu avancer ?

Monte ! Égare-toi !

Tous nos cris ont des ailes

tous nos cœurs trouvent un chemin.

III

Tu as gravé dans ma chair

le signe du manque natal :

est-ce pour me perdre

ou veux-tu que je retrouve

la trace de ton Royaume ?

Tu as soufflé sur ma chair

le sable du désert natal :

est-ce pour m’aveugler

ou veux-tu que j’oublie

le rêve de ton Royaume ?

L’ange ne répond pas :

il ouvre peu à peu nos yeux

à la lumière des larmes.

Au commencement

I

La mère ne voudra jamais perdre

l’enfant qu’elle a porté.

Est-ce pour cela que l’homme

prétend à sa propre importance

et se prête au mensonge illusoire ?

Est-ce pour cela que la femme

veut prendre en secret la place

qu’elle croit vide et que le ventre

lui murmure le souvenir

de l’éternité ?

Au commencement

il y a

le rêve

qui fait vivre et mourir.

Il y a l’histoire d’une rencontre

et son fil qui se dénoue

au commencement.

II

L’amoureuse ne voudra jamais perdre

l’amant qu’elle a choisi.

Est-ce pour cela que l’homme

prétend à sa propre délivrance

et se prête à l’oubli illusoire ?

Est-ce pour cela que la femme

peut croire trouver le père

qu’elle a perdu en secret

et revivre le souvenir

de l’éternité ?

Au commencement

il y a

le rêve

qui fait aimer ou trahir.

Il y a l’histoire d’un malentendu

et son fil qui se renoue

au commencement.

III

La vieille femme ne voudra jamais perdre

les souvenirs qui furent des présences.

Est-ce pour cela que ses yeux

soudain semblent se remplir

d’une parole de larmes et de sang

et crier l’atroce vision de la vérité ?

Est-ce pour cela que la femme

peut vouloir en secret disparaître

ou rejoindre le lieu silencieux

où tremble encore le souvenir

de l’éternité ?

Au commencement

il y a

le rêve

qui fait croire et oublier.

Il y a l’histoire d’une séparation

et son fil coupé se noue

au commencement.

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