Actualité de quelques textes fondamentaux 1

Alain Bosquet de Thoran,

Les rappels des paroles d’André Malraux disant : « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas », n’ont pas manqué au lendemain du 11 septembre. À faux, puisqu’il ne les a jamais prononcées de cette façon péremptoire et sans nuances. Par contre, il a dit exactement ceci, et c’est bien plus significatif quant à son sens de la prophétie :

1° « Le problème capital de la fin du siècle sera le problème religieux » (revue Preuves, n° 49, mars 1955).

Et surtout, quelques semaines plus tard :

2° « Je pense que la tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace qu’ait connue l’humanité, c’est-à-dire la perte de toute notion profonde de l’homme, va être d’y intégrer les dieux ». (L’Express, 21 mars 1955).

Ce qui est évidemment frappant dans ces paroles – qui datent de près d’un demi-siècle – est bien sûr l’évocation de cette « terrible menace » que représente « la perte de toute notion profonde de l’homme ». N’est-ce pas cette menace qui a soudain pris réalité dans ses dimensions effrayantes le 11 septembre, l’intégration des dieux étant ramenée à la dimension d’un épiphénomène ?

Or, c’est ce dernier, évidemment, qui remplit commodément l’espace médiatique, de « Allah est grand » à « God bless America », alors que « la perte de toute notion profonde de l’homme » me paraît par contre l’événement primordial, et dont l’attentat du 11 septembre marque un sommet dans l’horreur.

Puisque la présente livraison de Marginales se voue à l’approche de la création après « les événements », force est de constater que l’état des lieux présentait déjà, quant à la notion profonde de l’homme, et en particulier de son identité, des traces de délabrement évident, sinon même – je pense aux arts plastiques – de vastes champs de ruines, sous le lent effondrement de nos systèmes de valeurs, qui forment le socle de notre culture.

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