Il fait froid. Un été pourri s’annonce. Une lourde pluie bat les vitres. Je viens de vivre une semaine difficile et voilà qu’on me demande d’écrire un texte sur « l’été de tous les dangers ». Il est vrai qu’autour de moi, le monde semble poursuivre une course folle et effrénée, les événements se succèdent et se bousculent, plus graves et plus bouleversants les uns que les autres. La planète devient-elle folle ? Une terrible pesanteur semble s’être emparée des êtres et des choses, les vouant à une opacité et une violence sans remède. Dans notre petit coin privilégié du monde, il me semble pourtant qu’on se complaît parfois dans l’horreur… est-ce indispensable ? Faut-il nécessairement perdre tout goût du bonheur, quand on constate que chaque jour apporte son lot d’incertitudes et d’inquiétudes ?

Aujourd’hui, je suis chez moi, loin de ce vacarme fracassant. Je reproduis, en ce matin de printemps, des gestes quotidiens mille fois accomplis. Par les temps qui courent, ces gestes pourraient paraître dérisoires. Ils ont pour moi une valeur inestimable. Ils donnent à mes tâches quotidiennes un ancrage dans la réalité la plus simple et la plus substantielle. Ils ne sont nullement anodins, car ils sont la vie même, dans ses exigences et son épaisseur concrète : me lever, m’habiller, me préparer un café noir, des toasts, arroser les plantes… Lire la suite


J’ai eu plusieurs maisons dans ma vie ; je veux parler de celles dont on se souvient, qui vous ont laissé dans les tripes, au cœur ou dans l’âme quelque chose d’inoubliable. Celles qu’on a aimées doucement, passionnément ou qui vous ont empli, à une certaine époque, d’un indicible malaise. Maisons sages, maisons folles, maisons voluptueuses ; enfers, grâces ou refuges, selon les événements ou les êtres qu’on y a rencontrés… Je suis un escargot : j’ai besoin de me retirer dans ma coquille, après avoir déambulé dans le monde. Je dois rentrer en moi-même, reprendre les mesures de mes distances intérieures, j’ai un besoin presque quotidien de solitude et de silence, de lectures et de rêveries. Je suis ainsi, rien ni personne ne me changera. À cause de cette propension à l’isolement, les quatre murs qui m’entourent ont toujours exercé sur moi une forte influence. Ils m’ont protégé, m’ont sauvé dans des moments de désarroi ; une seule fois, ils ont failli me détruire, m’anéantir. Oui, je suis devenu presque fou entre ces horribles murs qui semblaient doués d’un pouvoir étrange, dans cette maison et ce jardin qui voulaient ma mort, où la mort rôdait de façon palpable, s’insinuait dans mon esprit et dans mes os. Lire la suite