« D’habitude, pas toujours, mais la plupart des fois, les prouts qu’on entend ne puent pas et les prouts qu’on n’entend pas puent. » Elle est charmante, cette petite. Toujours vêtue de guimpes colorées, à sautiller partout, à faire la roue entre les chaises ou le grand écart dans les jambes de sa mère quand elle passe avec la soupière. Vous êtes nouveau ou vous venez d’une autre pièce ? Parce qu’elle déménage tout régulièrement, voyez-vous ?

D’habitude, pas toujours, mais la plupart des fois, comme dirait la petite Victoria, elle nous teint en rouge, sa couleur préférée, même que c’est la couleur de ses cheveux. Au début, j’étais horrifié, je n’avais jamais vu ça, ni même imaginé que cela pût se faire. Je m’y suis habitué. Lire la suite


Un vieil homme marche sur des gravats, aux côtés d’une mule dont il tient la longe. Un adolescent dépenaillé les suit. On n’entend que les sabots de la mule et, parfois, le son creux d’un bloc de béton déséquilibré par un de leurs pas. Ils doivent souvent contourner laborieusement un massif de buddleias aux fleurs mauves sentant la pisse. Des nuages de papillons noirs effarouchés les suivent alors quelques instants en désordre. Ils arrivent à ce qui a dû être un rond-point. Le vieil homme s’assied sur un muret effondré et la mule se met à brouter les herbes sauvages entre ses godasses. L’adolescent se juche sur ce qui reste du socle d’une statue et regarde autour de lui, la main droite lui protégeant les yeux du soleil trop blanc. On perçoit le ressac de la mer au loin. La mule les regarde tour à tour.

Le quartier est bouclé. On inaugure le Berlaymont. Sa deuxième transformation aura été encore plus épique que la première, à la fin du XXe siècle. Cette fois, on l’a surélevé de cent étages. En parlant de l’étage des commissaires, le cent treizième, on dit encore « le treizième ». Par habitude. Le Juste Lipse, en face, a été rénové il y a deux ans. Il compte aussi une centaine d’étages. On entend le grondement des manifestants, au loin. Je porte la carte magnétique qui ouvre les portes des bâtiments européens. Mon journal m’a demandé de couvrir l’événement de manière originale. Je me creuse la tête pour savoir comment. L’Union européenne est devenue la plus vaste zone de libre-échange du globe et les décisions que prennent ou ne prennent pas ses dirigeants restent inconnues du public même si nous, journalistes, tentons de l’en informer. Lire la suite