En 1914, au début de la guerre de tranchées, mes grands-parents s’enfuirent de Flandre Occidentale. Avec leurs onze enfants, ils s’entassèrent dans une carriole tirée par quatre chevaux et, démunis de tout, s’arrêtèrent en Normandie. Ils avaient abandonné leur ferme, située en pleine zone du front.

Les aînés des enfants trouvèrent refuge dans des familles d’accueil. Ma mère, qui avait douze ans, fut engagée comme servante par le curé de l’église Sainte-Geneviève de Beaunay. Quoique vivant chichement, il la traita du mieux qu’il put. Il possédait une chèvre, qu’il trayait lui-même, et un petit potager qu’il cultivait également. Ma mère acheva ses études primaires à l’« école publique » du village, en français bien sûr. En août 1916, elle reçut des mains du directeur de l’école, Monsieur Lambard, son « Prix de Certificat d’Études ». C’était un superbe exemplaire relié et doré sur tranche de Grandeur et décadence de César Birotteau d’Honoré de Balzac, dans une « édition abrégée à l’usage de la jeunesse ». À son tour, ma mère me donna le livre, que je chéris comme un bien précieux. Lire la suite