Aux yeux de tous, Ilana était une femme heureuse. Un mariage que l’on disait exemplaire, deux adolescents qui évoluaient sans l’ombre d’un problème, des amis fidèles et attrayants, une énergie aussi débordante que constructive, une vie confortable et une beauté qui semblait ne pas devoir se faner malgré la cinquantaine largement accomplie.
Ilana aimait son métier. D’autant que toute jeune, elle en avait exercé un autre. Celui d’infirmière. Deux longues années au service des malades dans un hôpital universitaire de Bruxelles. Ilana avait calé. l’exercice d’une profession mal valorisée, mal payée et surtout discriminante pour les femmes lui avait déplu chaque jour davantage. Elle ne voulait plus que « toute sa science » ne soit utilisée qu’à des fonctions qu’elle jugeait subalternes. Nettoyer les plaies des opérés, prendre la température, administrer des médicaments, faire des piqûres, changer des draps, rafraîchir des couches et surtout – elle ne voulait pas se l’avouer –, réconforter un malade angoissé, caresser une main ridée ou encourager des relevailles, fort peu pour elle. Elle éprouvait si peu de ressenti de la question humaine qu’elle moquait parfois ses collègues, les épinglant en saintes sacrificielles ou bonniches résignées, au service d’éminences médicales mâles. Lire la suite →