L’hélice de l’Argonaute foulait les vagues avec une régularité mathématique. Le sous-marin nucléaire émergeait quelquefois en taisant jaillir l’eau phosphorescente à hauteur de mât. Puis il plongea profondément dans la fosse des Mariannes. L’hélice, comme une queue de cétacé, battit les flots avec lenteur.
On ne devait jamais revoir l’Argonaute, qui emmenait à son bord, outre soixante-quinze hommes d’équipage, le poète et journaliste Stanislas Cerfvol, chargé de la rédaction d’un article sur le huis clos de la vie du bord. Quand il entendit résonner la sirène de plongée, Cerfvol, dans sa cabine, serra plus fort son livre de poèmes. Il y en avait un, de Tennyson, qui commençait ainsi : Sous les tonnerres de la surface, dans les profondeurs de la mer abyssale, le Kraken dort d’un sommeil antique, inviolé, sans rêves. De pâles reflets dansent autour de sa forme obscure. Le jeune homme frissonna. Lire la suite