C’était l’été, nous avions emménagé dans la maison pour les vacances. Il y avait cinq ou six familles avec de jeunes enfants. Ils étaient arrivés quelques jours après nous, c’était un couple heureux. L’endroit était sauvage, quelques hectares d’herbes et de broussailles entièrement ceints de murs. Il faisait chaud, nous dînions sur la terrasse le soir, entre les lavandes et les cyprès dans le chant des grillons.

La première fois que nous avions noté un changement dans son attitude, c’était à l’occasion de son anniversaire. Elle portait une robe simple, courte, d’un bleu intense. Elle avait maquillé ses yeux et relevé ses cheveux en chignon. Elle était belle, elle riait, au centre de la tablée où elle était assise en face de lui. Il y avait beaucoup d’allées et venues pour le service. Il y avait du vin. Il la regardait tout le temps et buvait trop. On ne lisait plus dans son regard la même fierté que celle qu’il y avait eue. Il était monté se coucher avant la fin de la soirée, en pleine animation quand il y avait encore de la musique. Elle était restée avec nous dans le jardin, un long moment après qu’il soit parti. Plus tard, quand elle l’avait rejoint, il y avait eu des éclats dans la chambre qui avaient traversé le corridor. Seule une courte phrase émergeait régulièrement de son discours. Lire la suite


Dehors, il y eut une bourrasque et dans la maison, une crainte. Debout dans la pénombre, nous écoutions la pluie qui tombait en rafales, se mélangeant au bruit des autres qui partaient. Il était tard. Nous nous approchâmes du feu, allongeant nos mains vers les flammes pour les réchauffer, en respirant profondément. Nous ne parlions pas. Nous connaissions chacun des gestes et des mots qui nous avaient amenés là, lui et moi, en plein déchaînement des choses et rien de ce que nous fûmes n’était, en ce temps-là, dicible.

Nous avions marché tout le jour, le long de la mer grise, scrutant le ciel sombre, sous les nuages bas. Ensemble, nous avions arpenté les plages, affronté les brises, glissé sur les agglomérats d’algues gisantes, écrasé en vain des amas de coquillages sous nos pas, à la recherche de leurs traces. Contre le vent, nous avions passé nos doigts gantés dans nos cheveux hirsutes, plissé nos yeux pour voir au loin, croisé sur nos poitrines des vestes détrempées, enfouis une partie de nos visages refroidis sous nos épais cols déroulés. Lire la suite