C’étaient deux police blacks
Qui pratiquaient le slang
Ainsi que le colt cobra
Ils m’plaquent au mur du Bronx
Et je défie quiconque
De ne pas avoir les foies :
« You’re under arrest ! »
Serge Gainsbourg
« Chaque nation, dans chaque région, doit se décider : soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes. »
(George W. Bush)
— C’était le 11 septembre. Je conduisais ma camionnette, un flic m’a arrêté, il m’a demandé mon permis, il m’a dit que j’avais brûlé un feu rouge, ce qui n’était pas vrai. Il m’a demandé d’où je venais, j’ai dit « D’Israël ». Il m’a demandé « Juif ou arabe ? ». J’ai demandé « Quelle est la différence ? ». Il m’a dit « Il y a une grosse différence ». J’ai dit que j’étais arabe. Il est allé à sa voiture, et quand il est revenu, il m’a dit « Vous êtes en état d’arrestation ».
— Pourquoi pensez-vous qu’ils vous ont arrêté ?
— J’avais une petite barbe et un autocollant en arabe à l’arrière de ma voiture. C’est soit à cause de mon look, soit à cause de l’autocollant. (Nabyl Ayesh, habitant des États-Unis, interviewé dans l’« Hebdo », RTBF TV)
Nabyl Ayesh a été enfermé dans un Centre de Détention de Haute Sécurité. Il en est sorti un an et dix-sept jours plus tard. Aucune charge n’a été retenue contre lui.
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Souvenir pré-11 septembre : juin 2001, George Walker Bush, fraîchement élu, est à Bruxelles. Une petite foule protestataire plutôt rieuse s’est rassemblée devant l’ambassade des États-Unis. Un Américain brandit une pancarte sur laquelle il a peint la bannière étoilée, et, en grandes lettres, « Européens, pardonnez-moi : mon président est un crétin ». Des manifestants distribuent une carte du monde. Elle ne comporte que deux éléments : de l’eau, et les USA. Légende : « Le monde selon George W. Bush »
Souvenir pré-George W. Bush : une discussion dans un forum (anglophone) sur l’Internet. Un gars y explique avec un sérieux papal d’où vient le nom de l’eau d’Évian : à la Libération, des Français roublards vendaient aux crédules GI’s de l’eau du robinet qu’ils avaient mise en bouteille. Pour mieux se moquer de leurs victimes, ils avaient imprimé sur l’étiquette « Évian » parce que ces lettres forment « Naive » (naïf, en anglais) à l’envers. Les intervenants se succèdent, soupèsent gravement la véracité de l’info. Vision paranoïaque d’une Europe sans foi ni loi vampirisant sans vergogne la bonne foi américaine. Personne ne fera remarquer qu’Évian est le nom d’une ville, et qu’accessoirement, l’information suppose qu’en France, on parle anglais.
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Souvenir pré-Internet : San Salvador 1984. Guerre civile. Dans chaque couloir du Sheraton, des gardes en uniforme câlinent sombrement leur Kalachnikov. Ascenseur. Une dame à cheveux bleus argentés, après avoir choisi sa destination, me demande du regard à quel étage je me rends. J’ai parlé espagnol toute la journée, je réponds automatiquement « Quinto piso, por favor ». Elle fait claquer une langue agacée et lève les yeux au ciel. On n’a pas idée de parler une autre langue que l’anglais.
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Souvenir préadolescent : mon père fait découvrir à mon cousin de New York la Grand-place de Bruxelles. Le garçon, d’une vingtaine d’années, mâchonne quelques instants la vue, et crache son diagnostic : « They ought to wash these buildings » – « Ils devraient laver ces bâtiments ».
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« Chaque nation, dans chaque région, doit se décider : soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes. »
(George W. Bush)
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— Celui qui résiste à ce que ce gouvernement fait est considéré comme un terroriste. Là-dessus, nous avons été taxés de terrorisme, et la police de Philadelphie s’est sentie suffisamment soutenue pour nous brutaliser, à cause de cette mentalité « Vous êtes avec nous ou vous êtes avec eux ».
(Hau Huynh, militante américaine contre la peine de mort, interviewée dans l’« Hebdo », RTBF TV)
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— J’étais en train de prendre un raccourci à travers le parc, les gens marchaient tout autour, j’ai regardé l’horloge, je me suis dit « La manif est bientôt terminée », j’étais heureuse, et tout à coup, j’ai senti une main sur mon épaule. Je me suis retournée et c’était un officier de police en civil. Il m’a dit « Vous êtes en état d’arrestation ». Je lui ai dit « Vous plaisantez ? »
(Kate Sorrensen, militante de Act Up, interviewée dans l’« Hebdo », RTBF TV)
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— Ce qui me fait peur, c’est que les gens acceptent le genre d’idées contenues dans le Patriot Act (N.B. : loi post-11 septembre augmentant très largement les pouvoirs d’enquête de la police) comme faisant partie de notre culture constitutionnelle, de la culture américaine. Il y a des principes que nous avons littéralement jetés par la fenêtre à cause du 11 septembre et du Patriot Act, qui sont des traditions héritées de nos pères fondateurs, de leurs expériences, et ça c’est très dangereux.
(Lawrence Krasner, avocat, interviewé dans l’« Hebdo », RTBF TV)
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« Chaque nation, dans chaque région, doit se décider : soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes. »
(George W. Bush)
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— Ce qui nous fait très mal, c’est de considérer qu’aujourd’hui, les Américains pensent que dès que vous n’êtes pas tout à fait d’accord avec eux, vous êtes leur ennemi. (…) Aujourd’hui, ils sont tellement unilatéralistes, ils sont tellement convaincus que ce qui est bien pour eux est bien pour les autres, ils sont tellement convaincus de leurs concepts éthiques, de leur vision du monde, de leur façon de voir, que les autres ne peuvent pas avoir d’autre point de vue. C’est évidemment très difficile à vivre dans une relation diplomatique normale.
(Louis Michel, ministre belge des Affaires Étrangères)
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« Sous nos yeux, à l’aube du XXIe siècle, l’Europe émerge comme une puissance socialiste unifiée de plus de 300 millions d’âmes, avide de conquérir son seul rival sérieux, les États-Unis ».
(http://www.frontpagemag.com/Articles/Printable.asp?ID=5742
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— Écoutez, je crois qu’on n’a pas compris à quel point aujourd’hui, l’Amérique et l’Europe étaient totalement découplées, pas seulement politiquement mais psychologiquement.
(Eric Laurent, auteur de « La guerre des Bush », Plon)
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Café Cartigny, quatre heures du matin. Le propos se fait pâteux, mais d’autant plus tranchant :
— Aux chiottes, les Amerloques. Nous, on a deux mille ans de culture. Eux, ils ont rien. C’est tout. C’est des gens qui n’ont pas de culture.
Les Américains n’ont pas de culture. John Steinbeck – Henry Miller – Arthur Miller – Ernest Hemingway – John Irving – Edith Wharton – John Dos Passos – Les Américains n’ont pas de culture – Mark Twain – Norman Mailer – Jack Kerouac – Jack London – Anaïs Nin – Les Américains n’ont pas de culture – Tennessee Williams – William Faulkner – Charles Bukowski – Richard Brautigan – Allen Ginsberg – William Burroughs – Thomas Eakins – Jackson Pollock – Andy Warhol – Roy Liechtenstein – Jasper Johns – Edward Hopper – Leonard Bernstein – Les Américains n’ont pas de culture – George Crumb – George Gershwin – Johnny Lee Hooker – Bob Dylan – Philip Glass – Steve Reich – Noam Chomski – Les Américains n’ont pas de culture les Américains n’ont pas de culture les Américains n’ont pas de culture.
Tout programme de retouche d’image peut transformer un document en son négatif. Chargez dans Photoshop « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes », cliquez « Négatif », vous obtenez « Les Américains n’ont pas de culture ».
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AMENDEMENTS. ARTICLE PREMIER
Le Congrès ne fera aucune loi relativement à l’établissement d’une religion ou en interdisant le libre exercice ; ou restreignant la liberté de parole ou de la presse ; ou le droit du peuple de s’assembler paisiblement, et d’adresser des pétitions au gouvernement pour une réparation de ses torts.
(Constitution des États-Unis, 15 septembre 1791)
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« La sauvegarde de notre liberté est une des raisons pour lesquelles nous sommes engagés dans cette guerre contre le terrorisme. Nous perdrons cette guerre sans avoir tiré un seul coup de feu si nous sacrifions les libertés des citoyens des États-Unis. » (Russ Feingold, seul sénateur à voter contre le Patriot Act).
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You’re under arrest.
You’re under arrest.
You’re under arrest.