Élégie féline

Véronique Bergen,

Pour une chatte, nommée Fifille,

« Si vouloir l’événement, c’est d’abord en

dégager l’éternelle vérité, comme le

feu auquel il s’alimente, ce vouloir

atteint au point où la guerre est menée

contre la guerre, la blessure, tracée

vivante comme la cicatrice de toutes

les blessures, la mort retournée voulue

contre toutes les morts »,

Gilles Deleuze, Logique du sens

À l’instar de glycines devenues nœuds coulants, des cercles de brume s’enroulaient autour de cous voués à la strangulation,

tandis que, dans le ricochet d’une frauduleuse alchimie,

l’homme devenait l’animal qu’il dévorait,

et l’animal la mort qu’il ingurgitait

au fil d’une équation délétère

transmuant le ballet des atomes en un tentaculaire ossuaire.

La vie, vaincue par les officiants du grand désastre,

se retirait de la scène,

sans éclats ni invectives.

si ce n’est cette lumière bleue qui, diffuse comme un remords, s’échappait du silence des sphères et venait caresser le corps en émoi de pèlerins rétifs à cette logique de l’extinction.

Et les chairs fauchées comme des sourires tordus en pleurs

revenaient voltiger en d’autres espaces,

affolant la partition grimaçante des artificiers du naufrage,

et nul ne put empêcher que le cri bleu de Lulu tranché à sa verticale ne s’épandît dans le ciel sous la forme d’un chat protégeant ceux qui l’avaient sacrifié sur l’autel de leur ressentiment à l’égard de la puissance artistique de la vie.

L’ouïe solaire des séditieux pèlerins capte ce qui, par-delà la mort, parle aux forces d’une création

s’ouvrant au jeu du monde comme une femme, avide d’orages, écarte ses jambes et s’arrache à l’attrait du gouffre.

Le chat cavalcade dans les plis de l’infini,

et ses yeux noyés d’ambre vivent des regards que leur jettent les pèlerins

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