Entrée des poètes

Alain Bosquet de Thoran,

Aux poètes américains qui s’opposent à la guerre

Salut les poètes

Salut à vous qui portez la parole

comme une arme ultime de vérité

de douceur et de joie,

au-delà du silence d’acier des armes qui s’aiguisent

Salut les poètes

ensemble entrons encore en rêverie

comme on entre en résistance

Depuis les premiers pas

et le sourire de Lucy sur la terre

il y a des millions d’années,

depuis que le soleil a inventé le jour et la nuit,

et que l’homme a découvert l’éveil et le rêve

un long poème parcourt le monde

à travers tempêtes millénaires,

océans où tout cent fois s’est englouti,

et les déserts qui ont porté ces briques de terre

portant ses premières traces écrites

Poètes, écrivons encore cet immense poème indestructible,

ce poème de barrage et de forteresse,

et de pollen irisé dans le creux de la main

que son souffle essaime sur toute la terre

ce poème qui effacera dans les voiles de son allégresse

tous les engins de crucifixion et d’hébétude

et engloutira les armées dans les sables mouvants

de ses espaces secrets

Écoutez ce chant il est le bruit de fond du monde

le très ancien chant des étoiles

il brouillera tous les signaux de mort

paralysés par la transparence de son air

que l’on respire le matin au bord du jour qui se lève

Écoutez ce poème pulvériser les cris d’orgueil

et liquéfier les discours frappés de mutité

Salut les poètes

entrez partout où l’on n’attend plus rien,

entrez avec vos cortèges de rires et vos lits d’amour,

entrez partout, vous dont le regard porte plus loin,

là où l’on refuse la parole des dieux suspects

là où l’on chante avec son voisin

Partager