Aux poètes américains qui s’opposent à la guerre
Salut les poètes
Salut à vous qui portez la parole
comme une arme ultime de vérité
de douceur et de joie,
au-delà du silence d’acier des armes qui s’aiguisent
Salut les poètes
ensemble entrons encore en rêverie
comme on entre en résistance
Depuis les premiers pas
et le sourire de Lucy sur la terre
il y a des millions d’années,
depuis que le soleil a inventé le jour et la nuit,
et que l’homme a découvert l’éveil et le rêve
un long poème parcourt le monde
à travers tempêtes millénaires,
océans où tout cent fois s’est englouti,
et les déserts qui ont porté ces briques de terre
portant ses premières traces écrites
Poètes, écrivons encore cet immense poème indestructible,
ce poème de barrage et de forteresse,
et de pollen irisé dans le creux de la main
que son souffle essaime sur toute la terre
ce poème qui effacera dans les voiles de son allégresse
tous les engins de crucifixion et d’hébétude
et engloutira les armées dans les sables mouvants
de ses espaces secrets
Écoutez ce chant il est le bruit de fond du monde
le très ancien chant des étoiles
il brouillera tous les signaux de mort
paralysés par la transparence de son air
que l’on respire le matin au bord du jour qui se lève
Écoutez ce poème pulvériser les cris d’orgueil
et liquéfier les discours frappés de mutité
Salut les poètes
entrez partout où l’on n’attend plus rien,
entrez avec vos cortèges de rires et vos lits d’amour,
entrez partout, vous dont le regard porte plus loin,
là où l’on refuse la parole des dieux suspects
là où l’on chante avec son voisin