Jacques De Decker ou la passion dans tous ses états

Frédéric Baal,

L’ami unique, exceptionnel, le merveilleux poète de la vie s’en est allé.

Lui et son frère Armand, je les ai rencontrés au sortir de leur enfance, à l’Athénée Fernand Blum, à Schaerbeek, il y a 63 ans.

Calme, concentré, présent à soi à chaque instant, d’une efficacité et d’une générosité qu’il est peu courant de trouver à ce point réunies, Jacques appliquait cette faculté, qu’il avait patiemment perfectionnée en lui, dont La Bruyère assure qu’après elle, « ce qu’il y a au monde de plus rare, ce sont les diamants et les perles » : l’esprit de discernement. Aussi a-t-il eu souvent raison avant les autres, et sa vision aiguë des choses, son coup d’œil juste, exact, ont-ils fait de lui un précurseur.

Ce lecteur de Proust, de Joyce, de Kafka, de Brecht, de Shakespeare ou de Barthes et des Situationnistes, prenait sa place dans la lignée des humanistes de la Renaissance et des encyclopédistes du xviiie siècle.

Attentif aux mutations économiques, politiques, sociales et culturelles de son époque, il les analysait avec l’impitoyable lucidité qui lui enjoignait de ne pas leur épargner les critiques.

Il aimait beaucoup, et c’est peu dire, le théâtre, la danse, la musique, le cinéma et les arts plastiques. Il manifestait un intérêt passionné pour les formes littéraires.

Dès l’âge de 18 ans, il s’est mis à pratiquer nombre d’entre elles, d’une écriture réglée, sobre et concise, mais sujette aux soubresauts d’une conscience discrètement fiévreuse, d’une subjectivité en proie aux inquiétudes d’un temps orageux.

Jacques nous a engagés à défendre et à illustrer la culture la plus exigeante. Nous y employer est le plus bel hommage que nous puissions lui rendre.

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