La bonne nouvelle

Françoise Houdart,

Que dit la Terre à Bethléem ?

Que dit le Ciel, l’inaliénable ?

Que dit celui que personne n’a vu venir, que personne n’attend ? Celui qui est assis là, sur une pierre, et que nul ne remarque ; que nul ne reconnaît ? Que dit celui-là, qui parle et que personne n’entend en sa parole dépouillée, sa parole ample et muette qui souffle doucement sur les tempes noircies des maisons fusillées ?

Nul ne sait.

Nul ne veut savoir.

Ô Bethléem, le sang tiède ne cesse de couler des stigmates de ta mémoire. En vain tu cherches, à travers les temps qui te recouvrent, à dénouer de ton sein la première Douleur du monde. Mais l’enfant que tu conçus par la grâce du Ciel, un peuple le reçut ; un peuple l’immola.

Agnus Dei…

Une femme marche dans la rue éventrée. La poussière s’agite sous son pas, puis retombe, lourde, lasse ; retombe. Une femme marche et cherche son enfant. Le silence s’agite sous sa voix qui appelle, puis retombe, lourd, lourd ; retombe.

Ave Maria…

Le fils de Dieu n’avait pas désiré d’autre femme pour y naître.

Ave. Ave Maria…

Une femme s’arrête devant celui qui est assis là, sur la pierre, et le regarde. Je te connais, lui dit-elle. Je me souviens de toi. Tu es d’avant la vie qui se lamente en moi. Tu es de Nulle Part. Tu es d’ici. Une femme lui dit qu’il n’y a plus de pain à Bethléem. Elle tend les mains vers lui. Ses mains vides. Elle accomplit encore le geste du partage. Elle offre… Ne demande rien. Elle dit que les enfants ne pleurent plus quand s’affrontent sous l’impassible ciel les fils de Sara et les fils d’Agar.

Fils contre fils.

Char contre chair.

Sang contre sang.

À Bethléem…

Une femme s’éloigne. Elle n’est plus qu’un furtif mouvement de lumière traversant l’objectif d’une caméra de passage. Le monde n’en saura rien. Ni Dieu, peut-être.

Peut-être…

Seul l’Ange, assis sur la pierre d’une maison en ruine, et qui veille – comme en ce temps-là les bergers et les rois au chevet de l’Enfant – pour que la Bonne Nouvelle ne s’étouffe pas sous les gravats et les cendres… Et qui veille, pour que la Bonne Nouvelle lui soit annoncée, à Elle, entre toutes les femmes, et que le monde sache enfin

que c’est à cause d’Elle que tout le reste a été fait…

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