Pleure pas, mon p’tit loup, pour l’ours blanc qui dérive sur son îlot de glace à travers l’océan arctique dégelé. Le climat se réchauffe, mon p’tit gars, le climat. Et pour les gosses de Syrie qui se noient dans la Grande Bleue et qui échouent sur les plages où tu passes tes vacances, pleure pas.

Tu verras, tu verras ; ce sera mieux hier… Lire la suite


Certes, il fallut à Dieu six jours entiers d’un labeur harassant pour accomplir l’Œuvre de Création. Cependant, quelle félicité divine lorsque, l’Œuvre achevée, Dieu s’assit enfin, pas peu fier de Soi, sur un banc de nuages élevés, pour contempler le résultat. Ah ! Mais c’était sans compter avec l’angoisse du Créateur ; avec le doute qui L’assaille, malgré Lui, face à ce qui fut engendré de la seule entreprise de Son art. Oui, Dieu doutait. Tout était-il vraiment bien à sa place ? Il parcourut des yeux l’univers entier et II vit que cela était bon. Le ciel paradait, la mer clapotait, la terre jacassait. Et, entre les massifs enivrants du joli petit Jardin d’Éden, musardait, nonchalante et candide, la créature la plus parfaite qu’il ait jamais faite de Ses mains : Ève, la première femme, dont la fraîche beauté rendait superflue l’idée même de la vêtir. Dieu soupira d’aise. Mon Dieu qu’elle était craquante ! Il en eût presque perdu le bon sens s’il n’avait pas été Dieu même… Oui, Il le voyait bien : tout ceci était bon. C’était le sixième jour. Il appela un angelot joufflu qui lui présenta le Grand Tableau des Chiffres de la Genèse et une craie toute neuve avec laquelle II traça, sous les battements d’ailes de la foule des anges accourus à l’annonce de l’événement, un 6 bien rebondi qui – soit dit en passant – évoquait curieusement l’arrondi d’une croupe. Lire la suite


On a beau être né de sa terre, sa terre rouge et grasse ; se savoir issu de sa souche et revendiquer sa parenté jusqu’à la plus lointaine génération, ce pays de combes moussues, ondulant jusqu’aux premiers chuchotements de la forêt de Bessède, ne cesse jamais d’émerveiller celui qui gravit à pas lents, chaque matin, le petit tronçon de route qui remonte du cimetière de Saint-Jean, et s’arrête, une main appuyée sur le plat de son bâton de marche, le dos légèrement fléchi, pour étancher son regard au ravissement de l’indicible émergence des choses dans la brumeuse clarté d’un jour gorgé d’automne. Le silence, à cette heure encore indécise entre deux métamorphoses du paysage, se perçoit aux clapotements de l’air qu’un petit rapace nocturne remue d’une aile lasse en amorçant sa descente vers le toit pointu du pigeonnier de la propriété voisine. La maison restera fermée jusqu’à l’été prochain, lorsque les vacances ramèneront les occupants saisonniers d’un patrimoine familial désertifié, confié aux soins experts d’une société de propreté locale. Lire la suite


On l’a assis sur une chaise devant la porte-fenêtre grande ouverte qui donne sur le jardin. C’est un petit garçon au visage grave qui porte un béret bleu foncé remonté sur le front. ‘Marine Kids’.

C’est l’hiver encore ici. Winter ni blanc ni gris ; un hiver pataud, un hiver qui piétine sans jamais choisir son camp entre le sombre doux et le froid lumineux. Un hiver croisé, métis.

Comme lui. Lire la suite


Que dit la Terre à Bethléem ?

Que dit le Ciel, l’inaliénable ?

Que dit celui que personne n’a vu venir, que personne n’attend ? Celui qui est assis là, sur une pierre, et que nul ne remarque ; que nul ne reconnaît ? Que dit celui-là, qui parle et que personne n’entend en sa parole dépouillée, sa parole ample et muette qui souffle doucement sur les tempes noircies des maisons fusillées ? Lire la suite


Ce matin-là,

David T., team manager chez Microsoft General Consulting Agency, s’est essuyé soigneusement le coin des lèvres en s’inspectant dans le rétroviseur, avant de quitter sa Chrysler Voyager.

Ce matin-là,

Jenny R. s’est enfouie au plus profond de sa couette lilas, sans entrouvrir une paupière, lorsque David T. a quitté l’appartement, Rose Kennedy Street New York City, USA.

Ce matin-là,

le mendiant qui loge sous le porche de la grosse villa à appartements où vit Jenny R. s’est étonné de trouver un billet de $5 dans sa boîte à piécettes.

Ce matin-là,

le marchand de journaux arabe de la Rose Kennedy Street a dû faire crédit à David T. qui n’avait plus assez d’argent pour payer ses Marlboro. Lire la suite



Je n’ai pas reçu de lettre de Belgique ce matin.

Je n’ai pas acheté le seul journal belge qu’on trouve dans le coin.

Ma carte téléphonique est épuisée.

Le bureau de poste a été fermé l’hiver dernier. Lire la suite


À l’heure où j’écris ces lignes, me reviennent à l’esprit quelques mots d’un texte de Camus, l’une de ces phrases que l’on ne lit jamais machinalement, malgré leur apparente simplicité, et qui font souche dans la mémoire : « Sous le soleil du matin, un grand bonheur se balance dans l’espace ». Lire la suite