Si tu ne croyais plus que les martyrs vont tout droit au paradis, où les attendent des vierges pour les récompenser, si tu ne te berçais plus d’illusion du retour de tous tes frères dans les villages et dans les villes de tes pères et de tes grands-pères de l’actuel Israël (le jour de son indépendance est pour toi encore le jour de la grande catastrophe), si tu ne vouais pas dans ton cœur l’état sioniste, impérialiste, colonialiste à la destruction, si l’antisémitisme (que tu apprends dans les écoles, dans les mosquées, dans la rue) n’était pas généré par ton ressentiment, par la haine (que je comprends si bien)…

Si de ton côté, toi qui es né en Israël, qui est ta patrie, tu ne pensais pas que le droit au retour, que ton pays accorde à tous les Juifs dans le monde, ne vaut que pour tes frères de la diaspora et pas pour tes cousins, les Palestiniens, qui ont été chassés par tes pères et grands-pères de leur terre et qui ont eux aussi le droit au retour (assorti sans doute de clauses réalistes, sans lesquelles ton pays deviendrait binational et cesserait bientôt d’exister), si tu cessais d’invoquer la Shoah, les six millions de Juifs anéantis, de t’octroyer le statut privilégié de victime, le droit inconditionnel de légitime défense contre l’agression des Palestiniens terroristes qui voudraient tous ta disparition (même si beaucoup le veulent), si tu abandonnais tes colonies de peuplement, la destruction systématique de l’Autorité palestinienne (justifiée au nom de la poursuite de terroristes nichés dans les bureaux mêmes d’Arafat ou dans l’église de la nativité à Bethléem), si tu n’oubliais pas que tu es l’occupant et que la vie à Gaia n’est pas la même que la vie à Tel-Aviv ou à Natanya…

Si vous proposiez l’un et l’autre l’abandon respectif de vos mythes, du refus de l’autre (si souvent proche du racisme ou de l’antisémitisme), si vous vous reconnaissiez l’un et l’autre comme citoyen d’un état légitime – double reconnaissance politique, juridique, symbolique et morale –, si vous vouliez enfin l’un et l’autre, sans arrière-pensées, la paix maintenant au lieu de la surenchère terroriste et guerrière, les kamikazes – les chars et les missiles avec leurs « dégâts collatéraux », si vous laissiez tomber tous les deux tous vos griefs (légitimes) d’hier et d’aujourd’hui, si vous vous essayiez de dire, malgré tout, maintenant, chalom shalam, si vous tendiez la main à nouveau comme à Oslo, comme à Washington, si Sharon devenait Rabin et Arafat le Sadate palestinien – eux ou d’autres, mais Israël et la Palestine, l’unique paix des braves, des Justes…

Ce serait là le rendez-vous de Bethléem, symbole d’espérance en l’Homme que l’on soit ou non chrétien, symbole d’amour entre tous les hommes quelle que soit leur ethnie, leur idéologie, et surtout leur contentieux, leur réserve de refus, de méfiance et de haine.

Ce rêve peut devenir réalité… à force de réalisme et de foi en les hommes – le Juif, le Palestinien et les autres, tous les autres…

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