« Plus blanc que blanc, plus net que net, plus blanc que net, plus net que blanc, plus blanc que… »

La pub passait et repassait sous ses yeux, mêlant tout, déformant tout, contredisant tout, informant, infirmant, trompant. La machine est folle, elle bat la campagne… C’était le début de la prise en main.

Chaque fois qu’il allumait son portable, le même message apparaissait, chaque fois qu’il ouvrait la télé, le même constat.

Il crut, au départ, qu’il s’agissait d’une farce et, préoccupé par la recherche qu’il poursuivait, au bout de trois, quatre essais, il prit un papier, un crayon, et reprit son travail. Il hésita sur une donnée de base, retourna à son ordinateur pour la trouver, mais la mémoire était morte.

Il haussa les épaules et revint au papier. L’après-midi fut fructueuse. La soirée débutait lorsqu’il leva la tête. Il s’étira, regarda sa montre, presque 19 heures. L’heure des nouvelles, il ouvrit la télé.

Après les mots d’usage et de bienvenue, il entendit la présentatrice déclarer : Le Gouvernement a passé un accord avec le MRM, le mouvement de redressement moral, qui a perturbé durant la matinée toutes les transmissions tant publiques que privées. Veuillez écouter le Premier Ministre.

C’est vrai, il s’en souvenait maintenant. Ce qu’il avait pris pour une mauvaise blague, ou un coup de pub, était donc réalité.

Nous nous rendons compte, disait le ministre, que les extrêmes facilités de relations possibles entre personnes, aujourd’hui, outrepassent les rapports qu’une liberté normale permet et portent atteinte aux lois et à l’intégrité morale de chacun d’entre nous. Le MRM a fourni la preuve ce matin de pouvoir perturber toutes les communications du monde civilisé. Lors d’une réunion nocturne de l’ONU, les représentants de la plupart des membres, dont plusieurs chefs d’État, ont décidé de passer un accord avec le MRM afin de retrouver notre faculté d’expression, tout en tenant compte des nécessaires réformes que cet organisme exige. Je ne puis vous en dire davantage pour l’instant. De nombreuses mesures, en effet, s’imposent qui vous seront communiquées dès qu’elles auront pu être discutées et précisées. Je désirais vous assurer, au nom du Gouvernement, de notre présence et de notre action dans ces moments de haute gravité et de vous exprimer etc., etc.

Il n’en revenait pas. Quel était cet organisme, qui était derrière, quel pays, quelle politique, quelle religion… ? Certes, le monde n’allait pas bien, le fric, les fanatismes, les guerres, les attentats et les partouzes, tout se chevauchait, les loisirs de l’un étaient la sueur des autres, les mots vidés de leur sang assourdissaient la planète, chaque écrit stigmatisait celui qui venait de paraître, chaque son éclatait contre un autre soupir… Il s’effondra.

« Comment te sens-tu ? » Il entrouvrit les yeux. Il était dans son lit, elle le regardait tendrement. « Que s’est-il passé ? », sa voix était faible. « Tu as trop travaillé, il faut te reposer, rendors-toi ».

Huit jours plus tard, il est sur pied, il peut même retravailler. Il s’assied à son bureau et glisse une feuille de papier dans sa machine à écrire. Elle est électronique et possède une petite mémoire de six mille caractères. « C’est merveilleux le progrès », pense-t-il en la regardant.

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