L’enlèvement d’Europe

Éric Brogniet,

Traversé par l’orage, charrue par la foudre, il s’exhausse

Dans le combat toujours recommencé avec la durée et le flux

D’une main dispensant la douceur et de l’autre le trouble

Coupés par l’éclair son visage, son corps et son cœur

Trahissent tour à tour la lumière et ses ombres

Sans jamais se défaire du poids de la destinée

Errant qui se recompose une figure

Au gré des routes et des métamorphoses

Alternant dans la chute et la remontée

Humant de son mufle entre terre et nuées

L’élémentaire ou par sa verge et ses pluies

Ressourçant l’inouï quand il se défigure

Le typhon a passé charriant ses noirceurs

Et le ciel s’est ouvert qu’il a écartelé

La chair et la vierge sont pâmées

Ayant fendu l’azur il leur ouvre

La porte de la mer et des fécondités

Elle est abandonnée, les jambes ouvertes

Comme un sillon propice et désirant

Au plus profond de son ventre éprouver

Le labour de l’amour

Extase et terreur

En son regard dissimulé par sa tête chavirée

Se mêlent et son corps adossé au Levant

Tremble dans la volupté d’un mal frissonnant

Ils ont, ainsi mêlés, les mêmes pensers

Suscitant l’ordure et la merveille

D’une main dispensant la douceur

Et de l’autre le trouble

Scindés par la foudre et l’éclair

Le même orage ambigu les consume

Un même feu sème la blancheur

Ouvrant pour eux les chemins de la mer

Entre le jour et la nuit, le nord et le midi

Ils s’établissent sans pouvoir se défaire

Du poids de la destinée

Sans renoncer pour autant à ce qui bouleverse

Les soleils impérieux du désir

Le travail de la foudre est de frapper

Et d’ouvrir en deux le cœur, le corps et la nuée

Sans pouvoir à jamais rédimer la durée

Soleil et ombre sans cesse recommencés

Leur beauté est vouée à ces métamorphoses

Qui ouvrent devant eux l’infini rivage

De la mer et de l’éphémère

(D’après Le Titien)

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