Les tresses de Greta

Michel Goldblat,

Ce que certains aiment chez Greta, c’est justement, ce qui fait qu’elle n’est pas une adolescente comme les autres. Sa conscience politique, son audace, son sérieux. Moi, au risque d’une certaine frivolité, ce que j’aime chez Greta, ce sont ses tresses.
Chez Greta, chaque tresse démontre une personnalité très forte. Le plus souvent, c’est vrai, elles jouent les raisonnables et pendent sagement sur ses épaules. Mais parfois, on les voit se dresser comme deux serpents cobras. Et dans ces moments-là, Greta fait presque peur.
J’ai sous les yeux la photo à New York d’une Greta grossièrement ignorée par un président des États-Unis qui passe, gonflé de sa propre importance, à trois mètres d’elle. On sent que les tresses de Greta ne rêvent que d’une chose, cracher à la gueule du malappris.
Les tresses de Greta sont un excellent indicateur de son humeur.
Pour saisir tout le chemin parcouru par Greta et ses tresses, il faut se référer à la première image qu’on a d’elle, celle où on la voit assise par terre à côté de sa pancarte et de son sac à dos. On ne peut pas dire que son visage reflète l’optimisme. En fait, elle est clairement furieuse. Ce qui est compréhensible puisqu’elle pense que la planète est à deux doigts de disparaître et que tout le monde s’en moque. En même temps, ce qui frappe dans ce visage qui respire l’inquiétude, c’est la nonchalance des deux tresses qui l’encadrent. Surtout celle de droite, qui a adopté une pose encore plus alanguie que celle de gauche. On sent qu’elles n’ont pas encore acquis le degré de conscience politique de Greta elle-même. Ce sont des tresses qui sont satisfaites de leur statut de tresses. Elles ne rêvent pas encore qu’on les dénoue pour enfin s’abandonner à la caresse du vent. Ce sont toujours, en fait, les tresses d’une gamine.
Quelques mois plus tard, Greta embarque sur le yacht expérimental qui lui fait traverser l’océan atlantique en quinze jours avec une empreinte carbone proche de zéro. Alors qu’elles auraient pu profiter du vent du large pour voleter de-ci de-là, tant sur le quai du départ que sur celui d’arrivée, les tresses de Greta sont restées invisibles aux centaines de caméras présentes. Pourquoi ? C’est que ces tresses ne sont pas juste les accessoires de Greta, elles sont Greta. Elles sont son essence, sa représentation, son moi. Dans le cas qui nous occupe, Greta appréhendait sûrement la promiscuité et l’inconfort de ce voyage en bateau. Elle aurait sûrement voulu être ailleurs, elle aurait préféré se cacher. Mais sa célébrité croissante l’en a empêché. Elle a donc caché ses tresses à la place.
Et voilà, Docteur.
Mais on aurait tort de croire que les tresses de Greta n’ont qu’une fonction psychologique de substitution. Un condisciple, du temps où elle n’avait pas commencé sa grève des cours, a raconté avoir été assis juste derrière Greta pendant toute une année scolaire. Il avait développé un jeu qui consistait à tirer sur la tresse de gauche pour annoncer la sonnerie du début des cours et sur la tresse de droite pour annoncer leur fin. Connaissant Greta comme je la connais, c’est-à-dire pas du tout, j’aurais pensé que ce petit jeu l’aurait vite lassée. Voire agacée. Ou même horripilée. Je me serais trompé. Chaque jour, le même divertissement donnait lieu à la même cascade de rires de la part de Greta et de son camarade.
Greta sait donc rire.
Les stars suédoises qui rient, – pensons à la grande Greta Garbo –, ont souvent provoqué l’étonnement des foules.
Notre Greta rit quand on tire sur ses tresses.
Cela prouve qu’elle a beau prendre sur ses épaules tout le poids d’un monde suicidaire, au fond, elle reste une enfant.
L’histoire a de ces ironies.

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