Lolita, en éclats

Aurelia Jane Lee,

Lolita tu m’as trahie

Mais c’est tant mieux

Je préfère ma douleur

Ces mots qui ne viennent pas, et ces images qui giclent

Dans un coin tout au fond de ma tête

Il y a une partie de mon cœur qui n’a plus de repos

Des larmes qui coulent de bonheur

Non Lolita pour un orgasme

Tout le monde n’enterrerait pas sa mère

Il y a des gens qui ont du respect, du respect

Du respect, m’entends-tu

Et je dis merci

Pour tout ce que je n’ai pas fait, pour tout ce dont je suis vierge

Lolita si tu savais comme tu me dégoûtes

De plus en plus

Cet été devient infernal

Il y a des insectes que l’on écartèle

Et je crois que je fus une mante infidèle

Un temps

Un temps seulement

Comme on tue, et comme c’est tuant

Des petits riens qu’on tue, des petites morts

Mais je veux te dire

Lolita je ne suis pas ta sœur

Malgré ces trente ans qui creusent mes fantasmes

C’est pas pareil

Pour autant

Mais je me sens sale, et lasse

Est-ce que tu te reproches quelque chose toi Lolita

Moi je suis aussi chiffonnée que mes draps

Mais si tu savais comme je l’aime

Mon quinqua

Mon homme

Mon âme

J’aime surtout le poids de ses scrupules

C’est lourd mais c’est bon

Tu sais j’essaie, j’essaie, mais je m’écarte, j’essaie de te dire

Que

Lolita tu m’as laissée sur le bord de la route

J’ai pris un autre chemin Je ne le regrette pas

Bien qu’il fût solitaire, dans ma solitude, j’ai appris

Des choses dont tu ne te doutes pas

Voilà, voilà, Lolita, tu m’as touchée

Mais lui, il a fait bien plus

Lolita à cause de toi l’été a failli se déchirer

On tue des hyménoptères

On les écrase

On a ébouillanté des fourmis, l’herbe a brûlé

Elle n’est plus verte, Lolita

Plus verte, mais ça ne veut rien dire pour toi

Ça n’a de sens pour personne

Ce que j’ai vécu toute seule

Tout ça se brise en mille morceaux, plus j’essaie de reconstituer

Et plus ça se brise en morceaux

Tu sais, on dirait un kaléidoscope

Les images partent, dans un mouvement centrifuge

Il ne reste que le centre, mais c’est le centre de rien

Et l’autre nuit encore, ça me coulait entre les doigts

Mais le temps a beau fuir

La différence reste la même

Lolita, fallait-il que tu t’en foutes

Moi je me suis posé tant de questions

Et voilà, voilà, j’en suis pénétrée, mais d’une tout autre manière

J’ai tout ça en moi, ça ne pourrait pas être ailleurs

Les sentiments, le plaisir, le remords et les doutes

Tout ça est en moi

Et il me semble parfois

Que cet amour a l’âge de celui que j’aime

Que cet amour est quinquagénaire

Et Lolita, tu ne sais pas ce que tu rates

Quand je jouis avec tout ça en moi

C’est incomparable

Mais tu vois ton histoire, elle n’a rien à voir avec la mienne

Seulement elle me touche

J’ai cherché les mots

Mais c’est au-delà

Même au-delà des images

Je m’en rends compte

J’ai beaucoup écrit, beaucoup jeté, raturé

Hésité

Mais réfléchir à tout ça me torture, tu me fais mal Lolita

Alors j’écris sans trop réfléchir

Je laisse parler mes émotions

Pour que tu me lâches

Lolita si tu savais comme je me sens seule

Pleine et seule

Car j’ai lait l’amour toute seule

Tout ça n’était qu’un rêve, un fantasme

Mais tu sais comme les images s’imprègnent dans la tête

J’en ai plein moi des images

Cinq ans de fantasmes, ça fait des mètres de pellicule

Et ça brille, dans ma tête, ça fuse, ça vibre, ça gicle

C’est même mieux que du Tarantino

Mais Lolita, écrire, c’est m’arracher des bouts de moi

Lolita tu m’es trop proche, et trop lointaine

Voilà, il ne reste que des lambeaux, des élytres à moitié écrasés

Parce que ton anniversaire

C’est comme une mouche bourdonnante dans mon été

Il fallait l’écraser

Lolita, Lolita, go home

Je préfère les sucettes à l’anis

Et un zeste de citron

L’amour que nous ne ferons jamais ensemble lui et moi

Oui, cet amour-là est inoubliable

Je l’ai fait toute seule

Toute seule c’est déjà sublime

Toi tu ne l’as jamais fait

L’amour

Je ne sais pas si je t’en plains ou si je t’en blâme

De toute façon il est temps que je me fasse à l’idée que tout ça

N’était qu’une fiction.

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