Au Nouvel An, Septime Brichant, enseignant retraité qui versifiait volontiers, aimait présenter ses vœux d’une façon originale en composant un poème de circonstance. Cette fois, pour 2007, il avait évidemment choisi de célébrer le chiffre sept, en rapport d’ailleurs avec ce prénom stupide dont l’avaient affublé ses parents (son père était historien), ce qui lui avait valu souvent des tas de moqueries.
Il composa donc un septain où chaque vers comptait sept pieds. L’ayant terminé, il posa sa plume et relut son pensum. Il était loin d’être satisfait car sept (pardon, cette) fois, ses vœux étaient assez pompiers.
7 couleurs à l’arc-en-ciel,
7 jours dans une semaine,
7 trous dans notre visage,
7 merveilles par le monde,
7 à la puissance énième
pour vous dire mes souhaits
au début de 2007.
Âgé de 77 ans, il n’avait plus, comme naguère, l’enthousiasme le poussant à jouer avec les mots. Pourtant, ce chiffre 7 l’avait toujours intrigué. Il aimait se rappeler le rôle qu’il avait joué dans sa vie. Il était né le 7 du septième mois, en 1930. Son père avait alors 37 ans, sa mère, 27. Elle était morte d’un cancer en 1970, âgée seulement de 67 ans. Son père avait suivi sept ans plus tard, en 1977. Ce chiffre 7, on le voit, le poursuivait. Était-ce par hasard qu’il avait épousé Christine en 1957, quand il avait donc 27 ans ? Comme il était enseignant, on avait programmé la cérémonie au début des vacances, le 7 juillet. Christine s’était beaucoup amusée de cette coïncidence avec la date de sa naissance. « Ce sera plus avantageux pour moi. À l’avenir, un seul cadeau suffira pour fêter ton anniversaire et celui de notre mariage ! »
Christine, assez volage, l’avait quitté après sept ans d’union. Sa vie s’était alors déroulée pépère, toujours jalonnée par ce chiffre 7. Il évoquait souvent ce chapelet de dates et d’événements ayant marqué sa vie : il avait changé sept fois d’établissement scolaire, avait été opéré d’une hémicolectomie à l’âge de septante ans et avait dû, à la suite de complications, séjourner sept semaines en clinique. Il n’en finissait pas d’établir ce cadastre qu’il aimait qualifier d’« heptagonal ».
En ce début de l’année 2007, il envoya donc sa carte de vœux à tous ses amis et relations. À la fin de janvier, il fit le bilan des messages qu’il avait lui-même reçus. Il en compta septante-sept.
Sept jours après ce décompte, il fut foudroyé par un infarctus. Il venait de perdre définitivement son set.