L’homme de Macro-Mignon

À Madame la comtesse de la Verdière, en ses domaines de Provence

Eh bien, très chère amie, nous voici entrés dans l’ère de la macronitude active. Madame de Penajouir a dû provisoirement rentrer sa hargne et économiser son rictus, mais nous ne sommes pas sortis de l’auberge, comme me disait un tenancier de relais de poste. Avez-vous remarqué, chère amie, que dans l’ensemble de la province du Var, où nous avons nos terres, cette virago a recueilli quarante-neuf virgule cinq pour cent des suffrages d’une population apeurée par l’invasion des nomades étrangers qui viennent jusque dans leurs bras égorger leurs fils et leurs compagnes ? Aux larmes, citoyens, a-t-on envie de clamer.

J’ai suivi il y a peu sur les étranges lucarnes la marche triomphale et magnifiquement solitaire de Monsieur Macron dans la cour du Louvre. Quelle démarche altière, quel noble isolement ! Il aurait toutefois dû balancer un peu plus les bras à la manière militaire pour souligner son côté viril et vainqueur. Mais quel faste et quel symbole que cette longue traversée de la cour pour aller rejoindre sa Cour. En ce Louvre, on se demandait par instants si c’était Louis le Treizième ou Emmanuel Ier qui prenait ainsi majestueusement possession de la France. Que j’aime cette pompe et cette solennité si particulière au Royaume de l’Hexagone ! Ce n’est hélas pas dans nos mesquines monarchies parlementaires de Belgique ou de Scandinavie que l’on verrait une célébration aussi grandiose. Heureusement que pour l’honneur des royautés subsistent encore la Queen et son princier époux qui, périodiquement, s’en vont saluer le bon peuple en liesse du haut de leur carrosse d’or.

Nous lui présenterons donc toutes nos félicitations congratulatoires, en attendant toutefois de voir comme, d’ici peu, tous les chiens, roquets, corniauds et clébards vont se jeter sur les os de la Chose Publique et du Parlement pour gagner le droit de légiférer au nom du Peuple. Bonne chance et que le meilleur gagne, comme disent les Anglois férus de combats canins.

Pour le moment présent, je vous envoie, ma chère amie, comme à l’accoutumée, mes hommages délicats.

Albrecht von Krüchten, Chevalier presque teutonique.

Discours apostolique de Sa Sainteté le pape François VI

Très chers frères humains qui avec nous vivez, nous sommes réunis ici à Fatima, en cet an de grâce 2117, pour procéder dans la joie et la ferveur à une canonisation attendue par tous les hommes et femmes de bonne volonté. C’est ici, à Fatima, dans ce Portugal aimé de Dieu et qui le lui rend bien, que dans un pré au bord d’une mare où il gardait ses moutons-tons-tons, il y a cent ans exactement, le jeune berger Emmanuel vit soudain apparaître une figure de femme, resplendissante et baignée d’une lumière céleste. Céleste était le mot, puisque la Vierge, car c’était elle, prononça aussitôt ces paroles : « Je suis du Ciel. »

Le prénom d’Emmanuel n’avait pas été choisi au hasard par les chers et pieux parents du jeune berger. En hébreu il signifie en effet « Dieu avec nous » et ce choix leur semblait évident, vu que leur enfant était né dans une porcherie au milieu des cochons et des poules un vingt-cinq de décembre et que cela leur parut à raison être une version moderne de la naissance de Notre Seigneur. Faut-il rappeler, mes bien chers frères (et sœurs, accessoirement), que « L’Emmanuel » fut le surnom donné à Jésus, le Fils de Dieu venu nous tenir compagnie sur terre ?

Le jeune Emmanuel, aveuglé par la lumière ardente et assourdi par un coup de tonnerre et la stupéfaction, ne tomba pas dans les pommes, car au bord du pré où il se trouvait ne poussaient que des cerisiers. Plongé dans un certain étourdissement, il entendit cependant la voix de la Sainte Apparition qui lui disait : « Tu iras de par le monde et parmi les peuples répandre la Bonne Parole. Tu diras au monde que je t’ai confié trois secrets, mais tu ne les révéleras jamais, sinon ce ne seraient plus des secrets, capisce ? »

Et alors, mes chers frères (et aussi sœurs, j’allais oublier), lorsque l’Apparition eut disparu, Emmanuel prit son bâton de berger et transforma celui-ci en saucisson pour n’avoir point faim en cours de route, ce que l’on appela « le premier miracle d’Emmanuel ». Et il se mit en marche ! Il parcourut les routes et les chemins. Et les voies du Seigneur, qui étaient devenues très carrossables, le menèrent au pays de France, la Fille Aînée de L’Église, qui était hélas en train d’oublier qu’elle était la terre de saint Louis, saint Émilion et sainte Pénélope de Sablé.

Et Emmanuel prêcha les Français, il leur apporta le Divin Message et leur enseigna la macron-économie, la sainte doctrine qui allait sauver leurs âmes. Il dit à ses disciples rassemblés par milliers : « Vous êtes porteurs du dépassement du vieux système ! » Et dans l’élan qu’il provoqua ainsi, ses fidèles combattirent et anéantirent les forces du mal incarnées dans les abominables sectes des Fillonistes, des Mélenchonneux et des Hamoniaques. Et tous furent vaincus et courbèrent la tête, et nombre d’entre eux, convaincus, le prièrent : « Seigneur, accepte-nous dans ton Église. Nous te servirons fidèlement si tu nous accordes une petite place éligible parmi les tiens. »

Et Emmanuel combattit le Malin, qui avait pris la forme d’une femme, un succube qui tentait de séduire les pauvres Français avec ses charmes maléfiques. Et le Malin, qui se faisait appeler Maline, prenait parfois l’aspect d’un python de jungle indienne qui proférait avec un ricanement fielleux : « Faites-moi confiance ! » Et Emmanuel accomplit maints miracles afin de l’éliminer et de la renvoyer dans les ténèbres extérieures, où elle restera provisoirement, car sait-on jamais avec Satan ?

C’est donc dans la joie, mes bien chers frères (et sœurs, car Dieu aime tous les êtres, même imparfaits), que nous proclamons aujourd’hui la sanctification d’Emmanuel le bien nommé, nous le canonisons et nous allons tous boire un canon à sa santé, car il est toujours vert malgré ses 129 ans, par la grâce de Dieu et grâce aussi aux bons soins de sœur Brigitte qui se dévoue à lui corps et âme (surtout corps, paraît-il).

Amen. Ite, missa est, ciao !

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