Micron, Macron, Macrounet

Marc Guiot,

— Dis-moi, grand-père, tu en penses quoi toi de ce clown de Micron-Macron- Macrounet ?

— Pardon ma petite Bérangère, de ce clone d’Emmanuel Macron.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Parce que ce jeune homme surdoué n’est rien moins qu’un avatar du grand Charles de Gaulle.

— Comme tu y vas grand-père !

— Tu lui enlèves son képi à deux étoiles, sa vareuse militaire de général de brigade et c’est Macron craché. Depuis qu’il est président la France, est regardée autrement. C’est rafraîchissant, non ?

— Pourquoi pas Bonaparte tant que tu y es… Macron, c’est Napoléon sans le pont d’Arcole.

— Qui dit ça ?

— Ton pote Finkielkraut…

— Il a dit ça, lui ?

— C’est qu’il s’est carrément fâché grave avec l’armée française, ton Charlot bis sans uniforme ni étoiles.

— Aucun bon pouvoir ne saurait s’exercer dans la durée sans un contre-pouvoir.

— Tu en sais des choses, petite…

— C’est toi-même qui me l’as appris. Je le trouve très vieux schnock moi ton jeune con de Micron-Macron. Il en fait des tonnes depuis son élection. Pour qui il se prend ce bleu blanc bec ? Il s’arrêtera où ?

— Faut qu’il s’impose dans sa nouvelle posture jupitérienne, ce chamboule-tout.

— Attention, grand-père : Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre

— Macron est tout sauf con, ma chérie. Il aurait plutôt une case en trop ce jeune homme.

— Et qui séduit-il au juste, grand-père ton cher Micron-Macron-Macrounet, hormis les retraités amortis de ta génération ?

— La France, ma chérie, la France. Et cesse d’appeler ainsi le nouveau président des Français, c’est agaçant.

— Un quart de président. Il n’a fait que 27 % des voix au premier tour. Les Français vont vite comprendre que sa communication hollywoodienne est au service d’une redoutable politique : l’austérité. Au lieu de marcher sur les eaux comme Obama à ses débuts, il aurait intérêt à marcher sur des œufs. Il dévisse déjà.

— On ne saurait plaire à tout le monde, mon petit.

— Moi, il ne me plaît pas du tout et sa cougar en jupes courte encore moins. Des faux jeunes, que je te dis.

Les plus belles jambes de Paris ma chérie. Et c’est Lagerfeld qui l’affirme. Cherchez la femme…

— Faut pas la chercher bien loin celle-là, elle s’affiche sur toutes les couvertures de magazines.

— À propos de photo, je suis sûr que tu n’as pas décortiqué le cliché officiel : l’éblouissance du regard macronien.

— Arrête, tu pousses le bouchon beaucoup un peu loin. Bien sûr que je l’ai vu. À ce propos, toi qui sais tout, dis-moi : pourquoi Macron porte-t-il deux alliances sur cette photo ?

— Une pour Bibi et l’autre pour Marianne. Ce cliché officiel est d’un professionnalisme inouï. Il résulte d’une réflexion parfaitement dosée.

— Osée grand-père, osée. Il ose tout et son contraire. Micron-Poutine à Versailles et en même temps Trump-Macron aux Invalides et au défilé du 14 juillet. Et en Libye en même temps qu’en Israël. Il va s’arrêter où ? Il agace les Français, ton Macrounet. Il finira par singer ces rois de France qui guérissaient les écrouelles par le toucher.

— Tu conviendras, mon petit qu’on n’a jamais vu de portrait présidentiel plus moderne, plus accompli.

— Chanson ! Tu vois ce type de grossière mise en scène sur tous les portraits de monarques depuis le Louis XIV d’Hyacinthe Rigaud. Il ne lui manque que la perruque, la couronne, l’hermine, le sceptre et le glaive à ton Macrounet jupitérien.

— Judicieusement remplacés par deux iPhones. Il est de son temps ce garçon. Président à 39 ans, tu te rends compte, un an de moins que J. F. K.

— Grand père, t’en a fait quoi de ton légendaire esprit critique ?

— Trois volumes de la Pléiade à l’avant-plan, sur le célèbre bureau au maroquin rouge : Il a des lettres, ce beau jeune monsieur.

— Oui, j’ai vu : les Mémoires de guerre du général de Gaulle, ouverts. Encore ton cher Charlot. Stendhal et Les Nourritures fermés, comme des livres à sept sceaux. Cette vieille baderne de Gide, tu te rends compte grand-père !

— Ce choix a intrigué en effet plus d’un critique.

— Ça ne correspond pas aux lectures d’un homme de quarante ans. Et Stendhal, tu expliques ça comment ?

Le rouge et le noir c’est bien quand même ma chérie, non ? Même si on subodore les préférences de Bibi.

— Julien Sorel, fils de scieur, pur produit de la méritocratie française, comme le jeune Emmanuel.

Arrivisme social et ambition amoureuse, deux passions qui le conduiront au meurtre de son amante qui était largement son aînée. Prends garde, Bibi.

— Comment tu sais tout ça toi ?

— Matière de littérature de fin de rhéto, grand-père. Et consultation de l’analyse des caractères sur internet. Je suis génération Y moi, pas une soixante-huitarde attardée.

— La méthode Julien Sorel induit la méthode Macron. Le rouge et en même temps le noir ; de droite et de gauche. Et Les Nourritures, tu en dis quoi, Bérangère ?

Quand tu m’auras lu, jette ce livre Emmanuel.

— Nathanaël ma chérie, Nathanaël, Don de Dieu en araméen.

Jette-le pour en délaisser la lecture et trouver ta propre vérité ? Ton Macrounet ne l’a évidemment pas jeté.

— Ça fait aussi partie de tes lectures obligatoires de rhéto ?

— Non, de poésie, mon prof de cinquième était un militant gay… Trouver dans l’oubli de soi la réalisation de soi la plus parfaite, la plus, haute exigence et la plus illimitée permission de bonheur.

— Bravo et celle-ci, tu la connais ? Quand serai-je enfin…

— …pour ne plus devoir paraître, tu me l’as déjà serinée dix fois, c’est gravé ici. Je te le demande, quand sera-t-il enfin, cet avatar de Gérard Philippe ?

— Patience, Bérangère, patience.

— Tu auras observé qu’au fil des semaines, un autre visage macronien se dessine. Le en même temps à droite et à gauche s’estompe. Nous découvrons, en marchant, le vrai visage de ton Jupiter élyséen. Celui qui affirme je suis votre chef. Pas rassurant du tout ton nouveau président qui veut tuer dans l’œuf toute contestation. Obéir ou se démettre. Ça peut marcher avec un généralissime, pas avec la jeunesse, ni la rue. Si on les braque, les capacités de résistance et d’inertie des Français sont immenses.

— Mais qu’est ce que c’est que cette caricature, Bérangère ? Si seulement on avait un Macron dans notre pauvre royaume de Belgique…

— Un Macron belge que voilà une idée originale. Remarque qu’il n’y manque pas de Macrounets aux petits pieds.

— N’est pas Macron, Micron, ni même Macrounet qui veut, ma petite fille chérie.

— Faudrait d’abord que ton Macrounet tout olympien qu’il se prétend parvienne à imposer aux Français les efforts nécessaires pour restaurer le crédit la France en Europe.

— Les enjeux sont immenses en effet. Et si…

— Et si quoi ?

— Et s’il se tramait en stoeme links un projet de rattachement franco-wallon ?

— Tu veux dire une annexion de la Wallonie par la France ? Dis-moi grand père, Jupiter, n’est ce pas celui qui a conquis le pouvoir en évinçant Cronos son géniteur ?

— Oui, ma chérie mais c’est aussi le chef des dieux qui, déguisé en taureau blanc, enleva Europe. Fallait voir Angela frétiller à Berlin et surtout aux funérailles d’Helmut Kohl, ce titan européen.

— Attention, grand-père. Avant de s’enivrer de nectar, d’ambroisie et qui sait, demain de Jupiler wallonne, ton cher Jupiter doit d’abord s’atteler à une profonde réforme de son panthéon et venir à bout de la résistance des Titans : surtout de ce Prométhée déchaîné de Mélenchon.

— Il est plus que temps de réfléchir à l’après-Belgique.

— Mais voyons, grand-père…

— Sais-tu bien que lors de la crise politique des 541 jours sans gouvernement, une commission de l’Assemblée nationale française a chargé ses membres d’étudier la question belge : la séparation est devenue une hypothèse crédible.

— La Flandre, c’est sûr, veut obtenir l’indépendance au sein de l’Union.

— Certes, mais comment réagirait le gouvernement Michel si jamais Macron devait faire des avances à la Wallonie ?

— Grand père tu rêves encore. Les Wallons ne voudront pas de cette annexion et surtout ils ne lâcheront jamais Bruxelles. Et surtout : Macrounet est-il prêt à apurer notre dette sans annexer Bruxelles, ce fleuron européen ?

— Crois-moi : l’option française est la seule solution. Le général de Gaulle…

— …s’était dit convaincu que seule leur prise en charge par la France peut assurer un avenir aux trois à quatre millions de Wallons.

— Mais grand-père, la France est écrasée, laminée par sa propre dette.

Le prix à payer par la France serait sûrement plus faible que ce que cela lui rapporterait.

— Qui dit ça ?

— Jacques Attali, l’ancien conseiller de Mitterrand. Avec l’annexion de la Wallonie, la France, c’est sûr, réaliserait pacifiquement son rêve millénaire : renforcer son pré carré par un accroissement territorial et démographique pour réduire le différentiel avec l’Allemagne. Louis XIV en rêvait déjà.

— Tu es fou grand-père

— Un double référendum – un en France, l’autre en Wallonie – et c’est dans la poche.

— Et les germanophones tu en fais quoi grand-père ?

— Qu’ils rejoignent leur Germanie d’origine. Macron va trancher la question belge.

— Qu’il soit donc Macron enfin, ton cher Macrounet, pour ne plus devoir paraître jupitérien.

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