Où va le vertige ?

Jacques Izoard,

Poème 1

Le grain du cœur,

qui le moudra ?

Nonobstant l’osmose.

Et vice-versa.

Le donjon détruit

ne contient rien.

Poème 2

Mais pars vers l’étalon

qui se presse contre la haie

autour de la maison.

Langue affûtée !

Verte merveille !

Il en est qui usent

à tort de toute parole.

Poème 3

Ne dites plus rien

celui qui souriait.

Dans tel nuage

ou tel visage, voici,

soudain, les mots gelés.

Et les pas le transportent

au-delà du mutisme.

Poème 4

Houppelande d’ombre

s’abat sur ce corps

qui me fait face.

Et je ne peux que trembler.

Où va le vertige ?

Que devient la clarté ?

Poème 5

Cahin et Caha

ne se mentent jamais,

s’étreignent ou s’étripent,

mais mille soleils

font éclater leur cœur

qui bat sans battre,

en ignorant la peur.

Poème 6

Et ce serait maison creuse

comme celle où tu dors

avec candélabres, houppelandes.

Des carreaux opaques,

et la poussière fine !

Autour, un jardin,

l’ombre d’un chien noir.

Poème 7

L’œil ouvert,

tu ne verras plus

ni la suie, ni la cendre,

ni cet émoi sourd

annonçant la rupture.

L’azur béat !

Poème 8

Observe encore

la bibliothèque inondée,

les mots à vau-l’eau,

l’orthographe décapitée.

Le vain espoir !

Poème 9

Deux oiseaux à sinistre

et tempête criant haro !

De quelle cervelle

déchiqueter la moelle,

de quelle fatigue

accepter le poids ?

Poème 10

Reverras-tu l’escroc

qui t’enlace et te point ?

Bouquet de verges

et halos d’échos

quand tu serres contre toi

ton propre cœur.

Poème 11

Que cherches-tu, visage,

dans ce miroir sans visage,

où tu ne verras jamais

les cent visages

qui te donnèrent le jour ?

Poème 12

Nous échangeons nos regards

et une flamme brûle ici.

Les noyers ont tout donné.

L’herbe accueille

l’automne terrassé.

Poème 13

En aveugle, à tâtons,

tu reconnais le buis perdu,

la silhouette évanouie,

les allées et venues

de l’adolescent jardinier

coupeur d’herbe en quatre,

et qui te caresse en vain.

Poème 14

Tout est globe ou cercle

et la famille se noie

dans l’Ourthe à Sy

où tu perdais tes lunettes,

où tu n’étais

que liseron pâle.

Poème 15

Il est temps de jouer

au cerceau, à la tempe, à l’os.

Cerceau qui fait feu

de toute sa rondeur.

Tempe au fond des eaux.

Et os dur à cuire !

Poème 16

Ainsi vient l’époque

de l’insignifiance et de la désuétude.

Rien n’est présent

si ce n’est, sur l’ongle,

ce clair de lunule !

Poème 17

Aphasie est fée

dès que mémoire heurte

geysers et remous

sous la langue et l’œil

qui font naufrage.

Poème 18

Mais l’enfance avait cours

depuis si longtemps !

Mais l’enfance arrive

jusqu’ici dans la chambre

où tu dors sans dormir,

plein d’épouvante !

Poème 19

Corps peu à peu défenestré

qui ne fait que passer.

Jaune d’œuf ou d’œil

piqué de sarcasmes

dès que lune luit

sur crinières et ténèbres.

Poème 20

Car langage a enfermé

coutres et bougres et courges

dans le sens des mots

qu’un torrent emporte

jusqu’à la bouche ouverte

d’une terre avaleuse.

Poème 21

Cracherons-nous noyaux et dents

dès que le soir tombera ?

Non, nous insulterons

toute la nuit

les porteurs de lance-flammes,

les prêtres en leur froc,

les échevins vert-de-gris.

Poème 22

Mais lune arroseuse

inondera nos parcs

et nous avalerons

sucs, fluides, liqueurs,

pour mieux rejaillir

dès le lever du jour.

Poème 23

En arrière et en avant !

Les avirons : la luge et le vélo.

Bouquet de fleurs imputrescibles

et la mère qui embellit

chaque jour le salon !

Vacances ! Âmes et vices !

Poème 24

Le cou douloureux : nerfs !

Ne tourne plus la tête !

Ne fais plus l’enfant !

Garde au poing velu

La poignée d’araignées !

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