« Cette fois, je le sens bien, tsunami ! », s’écria-t-elle en riant. Et elle lui offrit encore un baiser sur la bouche, voluptueux comme un tableau de Boucher. Il se retira d’elle et s’ébroua.

Après avoir bien baisé, dit-il, si nous allions faire un tour sur la plage ?

Par la fenêtre de la villa, l’une des dernières à avoir résisté à la frénésie bétonneuse de la Côte, ils pouvaient en effet voir au loin la mer, ceinture grisâtre étoilée, de ci, de là de reflets du pâle soleil de janvier. Ils se rhabillèrent en chantonnant, tout heureux de ce qui venait de se passer, dans la chambre douillette où les odeurs d’amour ne semblaient pas près de se dissiper.

Us dévalèrent l’escalier en courant, et se retrouvèrent sur le trottoir de la digue. C’est alors qu’ils virent arriver de la plage la formidable vague de solidarité qui renversait et noyait tout sur son passage. Us eurent tout juste le temps de battre en retraite sur le perron de la villa.

Et ils défilèrent devant eux, les solidaristes emportés dans leur exceptionnel élan de générosité. On les voyait tous tenir à la main, qui un chèque, qui un cochon-tirelire, qui une carte de crédit, qui un bas de laine. Et ils criaient d’une seule voix, à tue-tête et sans se soucier de la justesse du ton : « Donnons, donnons pour les victimes du Tsunami asiatique ! ».

À leur tête caracolait un quarteron de vedettes du chaud-bise, encadrées de caméras. Elles portaient toutes au cou un écriteau sur lequel on pouvait lire : « J’ai abandonné mon cachet aux victimes du Tsunami asiatique ». Les suivaient des hommes et des femmes politiques, des intellectuels, des journalistes, des sportifs dits de haut niveau, des capitaines d’industrie, des ruffians, des souteneurs, des opérateurs de tourisme, des membres éminents de la société civile. Et même quelques têtes couronnées, échappées de leurs royales ménageries. Sans oublier des curés de diverses religions.

Et tous ces gens portaient sur leurs visages les marques de la plus intense émotion.

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